Fruit de cinq années de développement presque en solitaire, l’œuvre de l’Australien Jay Weston est la révélation ludique de cette fin d’année.
“Promets-moi que tu vas revenir. ” Ces mots d’une certaine Clara viennent en contrebalancer d’autres, plus froidement admiratifs devant l’avancée soudaine que l’humanité vient de réaliser grâce à la réception de plans d’origine extra-terrestre : ceux d’un engin d’un genre nouveau, sphérique mais capable de changer de forme pour planer et d’atteindre des vitesses phénoménales alors même qu’il ne possède aucun moteur.
Son nom ? Exo One. Son secret ? Une utilisation révolutionnaire de la force gravitationnelle. En même temps que la surface de planètes bien différentes les unes des autres, c’est l’espace entre la supplication de Clara et les déclarations des scientifiques ou des reporters que nous allons explorer. Entre les sentiments et le grand bond vers l’inconnu.
2001, l’Odyssée de l’espace ou Solaris
Projet longtemps mené en solo par l’Australien Jay Weston et financé via Kickstarter, Exo One aborde la science-fiction sous un angle sensuel et atmosphérique, voire philosophique, plus proche de 2001, l’Odyssée de l’espace ou de Solaris que des guerres spatiales et des épopées héroïques. Ici nous sont donnés à sillonner de superbes mondes tantôt arides, tantôt luxuriants, parfois sous la pluie, ailleurs sous le vent, dans lesquels une seule chose est certaine : l’humain y est absent.
Il y a bien ces monolithes et ces étranges lumières bleues qu’à défaut d’autres pistes on s’applique à rejoindre en défiant les éléments. Ceci fait, on passe au “niveau” suivant : une nouvelle planète – Gnowee, Sojournus, Nautica ou Obias III–, un nouveau départ qui nous éloigne encore plus de tout.
Entre plateforme et walking “simulator”
Si ces traversées de mondes sans limite de temps le rapprochent de cette branche ambient du jeu indé qu’est le “walking simulator” (avec Journey en référence assumée), Exo One s’appuie aussi sur des mécaniques empruntées au jeu de plateforme. À Super Monkey Ball, disons, qu’évoque son appel à exploiter la configuration des lieux pour diriger la boule à l’écran. Mais aussi bien à Super Mario pour la nécessité de combiner nos capacités face aux obstacles : filer avec la gravité, s’élever grâce à un tremplin, planer, sauter, plonger pour recharger notre énergie et recommencer à planer…
Le rapport aux matières, au relief, au climat même des différentes planètes est, d’une manière très concrète, au cœur du jeu, auquel il donne sa force singulière. On se cogne à ces planètes, on s’enivre de nos courses et on s’y perd. On est seul et très loin. On se sent mal et bien.
Feu d’artifice
Jeu assez court mais qui suit sa ligne jusqu’au bout, non exempt de défauts (un niveau en particulier, en apesanteur, faillit nous rendre fou) et néanmoins très impressionnant, Exo One vient, après Sable et Jett : The Far Shore, conclure en beauté un étonnant automne du jeu de science-fiction indé.
“Tu n’es plus le même qu’avant, s’inquiète Clara. Qu’est-ce qui s’est passé là-bas ?” On ne sait plus, on ne sait pas. On était comme somnambule et pourtant très concentré, partout et nulle part à la fois. À un moment, on s’est cru changé en feu d’artifice. Avant, on voulait juste suivre le courant. Ce petit jeu en vaut bien des grands.
Exo One (Exbleative/Future Friends Games), sur Xbox One, Xbox Series X/S et Windows, environ 16€.