Peter Jackson livre une mini-série documentaire fascinante de huit heures sur le plus grand groupe de tous les temps.
À l’origine, il y a Michael Lindsay-Hogg, réalisateur anglais proche des Beatles, qui installe ses caméras sur un plateau de télévision à Twickenham, puis dans les studios d’Apple.
Nous sommes en janvier 1969 et les quatre garçons ont programmé trois semaines de répétitions et d’enregistrement dans la perspective de donner un concert exceptionnel qui aura finalement lieu, après quelques atermoiements, sur le toit de la maison de disques Apple et sera interrompu un peu prématurément par la police. Le quatuor a cessé de se produire en public depuis 1966 et ce concert sera, en la matière, leur dernier fait d’armes. De cette expérience unique est né un premier film, Let it Be, sorti en 1970, jamais reprogrammé depuis le début des années 1980.
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Un document exceptionnel
Environ 50 ans plus tard, Peter Jackson, bien loin du Seigneur des Anneaux, reprend les rênes et découvre qu’il existe 60 heures de rushes documentant ces séances exceptionnelles. De cette matière incroyable, le cinéaste néo-zélandais a tiré une série documentaire de huit heures découpée en trois épisodes, disponible depuis peu sur la plateforme Disney+. Une véritable épopée domestique dont le titre même, The Beatles: Get Back, sonne comme un ultime rappel pour le groupe le plus célèbre de l’univers.
Au début, on entre à tâtons, un peu intimidé, dans ce studio qui paraît immense. Mais très vite, comme les Beatles, on s’installe au cœur d’un film qui ne ressemble à rien de ce qu’on a déjà vu. Ne serait-ce que par sa durée, la nouvelle trilogie de Peter Jackson est, en effet, littéralement hors du commun. Jamais auparavant on n’avait vu Paul, John, George et Ringo d’aussi près. Mais, surtout, la durée, conséquente, donne, pour la première fois peut-être la sensation de saisir quelque chose du mode de création d’un groupe, pourtant mille fois étudié et disséqué.
Pour rendre compte de ces sessions qui courent sur tout le mois de janvier 1969, Peter Jackson a choisi, par le biais d’un montage habile, une narration au jour le jour qui permet de suivre les méandres quotidiens d’un groupe qui se cherche et, surtout, qui cherche à éviter l’implosion. The Beatles: Get Back ne nous cache rien des dissensions qui secouent les quatre garçons. Harrison et Lennon n’en peuvent plus de l’autorité grandissante de celui qui est devenu le véritable leader des Beatles, Paul. Ringo, fidèle à lui-même, reste cool et demeure plutôt en retrait.
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Immersion totale
Pourtant, c’est moins cette fracture qui saute aux yeux que l’incroyable complicité musicale qui continue à relier les membres du groupe. Le film regorge de moments musicaux improvisés qui donne à voir la vitalité des Beatles, notamment lorsqu’ils reprennent, à la volée, pour le fun, des classiques du blues, de la country, de rock’n’roll ou de rhythm ‘n’ blues. Et puis, bien sûr, il y a l’inestimable plaisir de les voir remettre sur le métier, répéter, construire, déconstruire quelques-uns de leur classiques, comme Let It Be, Don’t Let Me Down ou, surtout, Get Back qui, comme le titre l’indique, est un peu le fil conducteur de la série. Autant de titres qui figureront dans l’album Let It Be qui paraîtra en 1970, quand d’autres chansons, comme Maxwell Silver Hammer, finiront sur Abbey Road.
Mais ce qui est plus fascinant encore, c’est la proximité incroyable qu’on entretient, grâce au montage, avec les quatre Beatles et leurs collaborateurs (George Martin, ou l’ingénieur du son, très précieux, Glyn Johns) ou leurs compagnes, notamment Yoko Ono, discrètement omniprésente auprès de John, à l’époque complètement enamouré. Au fil du temps, on se croirait presque dans une émission de télé-réalité, tant on a le sentiment de voir, au microscope, le quotidien d’un groupe en studio, enfin débarrassé de cette aura mythique qui l’encombre trop souvent. Un peu comme si on vivait, pendant huit heures, avec les Beatles ou, mieux encore, comme si les Beatles avaient pénétré en douceur dans notre salon.
Les temps morts, nombreux, sont ainsi tout aussi fascinants que les temps forts (le concert final sur le toit !) et, pour une fois, la consommation de cette série à la maison est un véritable atout. À mesure de son déroulement, The Beatles: Get Back devient, pour son spectateur, la source d’une addiction de plus en plus prononcée. Au point qu’au terme des huit heures de projection, on voudrait que ça continue encore et encore… La marque d’un film hors normes, d’ores et déjà un classique, auquel on sait qu’on reviendra forcément dans les prochaines années.