Sympathique mais limité, Meurtre en suspens est la copie d’un élève laborieux peu inspiré.
Par la fenêtre du train, une gamine découvre les horreurs de Los Angeles. Arrivés à la gare, la merdeuse et son papa-gâteau sont raptés par l’affreux de service (interprété par… devinez !) qui propose au gentil (vous avez trouvé !) le marché suivant : « Tu as une heure et demie pour assassiner le gouverneur de Californie, une brave femme qui ne t’a rien fait, ou moi, le vilain comploteur, je flingue ta gamine, qui ne m’a rien fait non plus. »
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Histoire de bien nous signifier que le film va jouer sur la durée réelle ou, pour parler compliqué, que son temps de projection épousera à peu près son temps diégétique, le générique montre un mécanisme d’horlogerie associé à la froideur métallique d’un pistolet. Dès le début, les choses sont claires : Meurtre en suspens sera un film purement régressif, un film pour enfants de 8 ans. Ou pour un cinéphile de 30 ans au cerveau ramolli, ce qui revient au même.
A partir de cette invraisemblable situation de départ, qui se déroule dans le monde imaginaire d’une ritournelle infantile, le scénario devient une simple mécanique dont on connaît la fin, un catalogue exhaustif des obstacles obligés et des manières de les franchir. C’est donc très limité, fort sympathique et pas trop fatigant. Si on y tient, le film peut même se lire comme une petite parodie sans prétentions des nombreuses « Kennedy-fictions » que le cinéma américain nous inflige à intervalles réguliers. De ce point de vue, Meurtre en suspens nous venge de tous les JFK et autres A cause d’un assassinat du monde. C’est assez réjouissant et, pour parodier notre cher Desplechin, ça « s’habite » facilement si on ne sait vraiment pas où aller et qu’on n’est pas trop regardant sur l’état des lieux. Badham, lui, sait où il va. Enième participant d’un jeu dont il n’a pas inventé les règles, il en connaît tous les trucs de mauvais élève : une image bien clinquante, l’abus des grands-angulaires comme simple tic wellesien, la manie de refaire le point sur le méchant qui surveille le héros, la multiplication des cadrages à la con, le coup du « ce n’était qu’un rêve » (là, pitié !), une fin agréablement feuilletonesque et même cette façon touchante de montrer une même action sous trois valeurs de plan différentes (car il y a du primitif chez Badham, eh oui !). Si on peut rêver longtemps de l’usage qu’aurait fait De Palma d’un pareil film d’école, il faut nous contenter de la copie pleine de pâtés d’un tâcheron consciencieux. S’il est un enfant joueur, Badham n’est pas de ces garnements qui démontent la loco de leur train électrique. Trop peureux pour ça, paralysé par la crainte des baffes, il se contente de suivre le mode d’emploi du kit à construire. C’est un gratte-tapis qui ne tient qu’à récupérer sa mise de départ. Comme elle est faible, le gain ne peut être énorme. Son film a le charme entêtant d’une petite soirée au casino du Val-André. Juste comme ça, pour rire un peu entre amis.
{"type":"Banniere-Basse"}