Un scénario plein de courants d’air et la figure shakespearienne d’Al Pacino : un petit thriller politique passionnant. A première vue, City hall est un thriller politique de plus. Si on n’y prenait garde, ce film pourrait passer pour la suite logique de la calamiteuse carrière américaine de notre Costa-Gavras national. Qu’on en juge : […]
Un scénario plein de courants d’air et la figure shakespearienne d’Al Pacino : un petit thriller politique passionnant.
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A première vue, City hall est un thriller politique de plus. Si on n’y prenait garde, ce film pourrait passer pour la suite logique de la calamiteuse carrière américaine de notre Costa-Gavras national. Qu’on en juge : le poulain du maire de New York, un genre d’Ed Koch grec mâtiné de La Guardia, tente de limiter les dégâts politiques causés par une bavure policière de trop. S’agitant beaucoup sur tous les fronts, qu’ils soient médiatiques, judiciaires ou communautaires, ce grand jeune homme naïf finira par découvrir que son patron n’est pas tout à fait le héros sans tâches de ses rêves d’adolescent. Impuissant à contenir la dérive clientéliste de son idole, il devra choisir entre la realpolitik et ses idéaux de démocrate libéral. Alors ? Remake, tendance fable initiatique, de l’affligeant Le Président et Miss Wade ? Cette chronique ne serait-elle qu’une 4e dimension, habilement déguisée sous un mince vernis critique ? Que nenni ! City hall est certes un film bancal, mais ça le rend d’autant plus intéressant.
Ecrit par un curieux trio, composé de Bo Goldman, vieux routier hollywoodien, Nicolas Pileggi et Paul Schrader, membres à part entière de la famille Scorsese, le scénario est plein de courants d’air. Alors que son sujet laissait prévoir une construction bétonnée, le film procède par à-coups, comme s’il ne savait pas lui-même où il va. Si le jeune adjoint (John Cusack, encore meilleur que d’habitude) reste le fil conducteur du récit, de nouveaux personnages ne cessent de défiler. Et, quand on croit en avoir fini avec l’un d’entre eux, il réapparaît sans crier gare, comme si la place de chacun était suffisamment mal définie pour laisser la porte toujours entrouverte. Cette construction en forme de « chacun son tour » est plus littéraire que cinématographique. Le souci d’efficacité en moins, elle rappelle celle des romans d’Herbert Lieberman, cadre new-yorkais oblige.
Si l’articulation de l’ensemble paraît si chaotique, c’est qu’elle tient à une figure centrale, celle du maire, dont la principale caractéristique est l’absence. Pivot de tous les trafics d’influences, homme de pouvoir, il n’accède à la lumière que pour mieux regagner l’ombre protectrice. Il est l’acteur principal, mais en creux, d’un film qui s’ordonne autour de ses apparitions/disparitions. City hall a la grande intelligence d’intégrer les éclipses de l’acteur-roi dans son dispositif narratif. Plus shakespearien que jamais, conscient qu’il ne peut plus jouer que des souverains déchus (on attend son Looking for Richard avec une impatience grandissante), le génial Pacino distille ses monologues comme un politicien ménage ses effets. Prince d’une bande de gangsters, Henri vieillissant qui reviendrait vers Falstaff, Pacino met en scène sa propre légende. S’il n’était pas là, si le film ne se dessinait pas autour de lui, City hall ne serait qu’un curieux petit film. Grâce à lui, il accède parfois à une certaine grandeur.
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