Capitaine Conan, “le film-choc de Bertrand Tavernier”, sort aujourd’hui. On n’en trouvera pas le compte rendu dans ce numéro. Il nous a semblé nécessaire d’expliquer les raisons de cette omission tout à fait indépendante de notre volonté. Bertrand Tavernier a fait organiser des projections de presse d’un genre particulier. N’étaient conviés à ces séances que […]
Capitaine Conan, « le film-choc de Bertrand Tavernier », sort aujourd’hui. On n’en trouvera pas le compte rendu dans ce numéro. Il nous a semblé nécessaire d’expliquer les raisons de cette omission tout à fait indépendante de notre volonté.
Bertrand Tavernier a fait organiser des projections de presse d’un genre particulier. N’étaient conviés à ces séances que « les journalistes amis ». Sans doute rangés dans la catégorie des « journalistes ennemis » (de qui ? de quoi ? de la patrie ?), l’ensemble des collaborateurs cinéma des Inrocks ont été empêchés de découvrir ce film. Cette attitude signifie-t-elle que Bertrand Tavernier sait à l’avance qui va défendre son film et qui va l’attaquer ? Sur quels indices se base-t-il pour deviner aussi bien ce que vont penser et écrire les journalistes ? Ancien critique, ancien attaché de presse, historien apprécié du cinéma américain, grand cinéphile et programmateur de films français méconnus, Tavernier paraît avoir une interprétation toute personnelle et très agressive de la fameuse « politique des auteurs ». Pourtant, son parcours le rend à même de comprendre que l’activité critique est essentiellement basée sur la subjectivité et l’indépendance. En établissant ces pathétiques « listes noires », ce pourfendeur de « la chasse aux sorcières », cet « homme de gauche » si sensible à la préservation des « valeurs républicaines » tend à transformer les critiques en publicitaires aux ordres d’une logique purement commerciale. Pire, il jette la suspicion sur l’intégrité de nos confrères invités. Faut-il en conclure que celui qui osera dire du mal de Capitaine Conan sera empêché de voir son film suivant ? Cette conduite est aberrante. Si Tavernier faisait des émules, si le « tatavisme » se répandait, nous ne pourrions pas voir le prochain Godard puisque notre appréciation de son dernier opus avait été mitigée ; nous n’aurions pas vu Twister ou Independence Day, a priori peu susceptibles de nous plaire. Et ainsi de suite, jusqu’à ne plus avoir que le droit de nous taire, jusqu’à la victoire complète des censeurs et des marchands.
Jusqu’à présent, Tavernier se contentait d’affubler ses personnages les plus antipathiques des noms de « journalistes ennemis ». Nous gardions espoir de subir à notre tour cette petite vengeance amusante. Maintenant, Tavernier ne rigole plus, il interdit. Et si, comme nous l’a précisé son service de presse, cette grosse colère est provoquée par nos légèretés coupables, nos « paris de rentrée » et la dantesque « affaire Ciment », c’est que Tavernier est bien peu sûr de son talent.
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