L’UE remet en cause son programme de subventions, la Hongrie taille dans les aides et la situation se dégrade encore en Angleterre et en Italie… Les cinéastes se mobilisent pour sauver les films du Vieux Continent.
La circulation des capitaux, oui, la circulation des oeuvres, non. En menaçant de dissoudre le programme d’aide au cinéma européen Media dans un vaste machin communautaire, la Commission européenne envoie un signal inquiétant aux cinéastes du Vieux Continent. Lesquels ont tôt fait d’exprimer leur « extrême inquiétude » dans une pétition lancée par l’ARP (Association des auteurs-réalisateurs-producteurs), qui a déjà recueilli plus d’une centaine de signatures, et non des moindres : Ken Loach, les frères Dardenne, Mike Leigh, Wim Wenders, Aki Kaurismäki, Costa Gavras…
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Qu’est-ce que ce programme Media, au juste ? Un mécanisme de subventions lancé par Bruxelles il y a bientôt vingt ans (triste anniversaire…) pour inciter les distributeurs à distribuer les films produits par leurs voisins européens, et les salles de cinéma à les programmer. Autrement dit, pour que les films européens circulent le plus possible sur le continent afin de résister au rouleau compresseur américain.
Ce programme ne ruine pas les caisses de l’UE (une enveloppe globale de 750 millions d’euros pour six ans) et son efficacité est réelle, estime Claude-Eric Poiroux, directeur général d’Europa Cinemas, réseau fédérant près de 1000 salles de cinéma dans 32 pays. Alors que la part des films européens non nationaux oscille entre 8 et 10% de parts de marché en Europe, les salles qui jouissent de la subvention Media (entre 15 000 et 45 000 euros par an selon leur taille) y ont consacré 38% de leur programmation l’an dernier.
« Si l’on supprime cette aide, les films de Béla Tarr, par exemple, ne seront vus nulle part, c’est certain. »
Béla Tarr, au hasard. Le cinéaste hongrois vient d’être auréolé d’un Ours d’argent à la Berlinale pour son nouveau film, Le Cheval de Turin. Et il est directement concerné par un autre scandale européen : la nauséabonde loi sur les médias du gouvernement hongrois et son corollaire, la « restructuration » – le démantèlement – des aides publiques au cinéma.
« En temps de crise, c’est toujours dans la culture qu’on coupe »
Là encore, une lettre ouverte circule, signée de nombreux réalisateurs, pour dénoncer la disparition « d’une structure autonome démocratique et indépendante garantissant la pluralité des films hongrois » au profit « d’un système où une seule personne prend les décisions ». En l’occurrence, le producteur hongro-américain Andrew G. Vajna (Rambo, Total Recall) nommé pour un an par le très liberticide Premier ministre hongrois Viktor Orbán avec pour mission de « renforcer la compétitivité » de l’industrie cinématographique hongroise. Nettoyage assuré.
Ailleurs, dans cette Europe actuellement présidée par la Hongrie, le Film Institute britannique est lentement mais sûrement mis à mal, Berlusconi détricote les déjà tout petits mécanismes de soutien au cinéma italien… « Quand on veut faire des économies en temps de crise, c’est toujours dans la culture qu’on coupe », déplore Costa Gavras. Et pendant ce temps, le sentiment européen recule inexorablement, partout…
Baptiste Etchegaray
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