“Le cinématographe, c’est la mort au travail”, écrivait Jean Cocteau. The Chair est le parfait exemple de ce constat, moins dans sa forme que dans son sujet. Drew et ses collaborateurs, Pennebaker et Leacock, les pionniers du cinéma direct, ont filmé les cinq derniers jours avant le recours en grâce d’un condamné à mort. Tout […]
« Le cinématographe, c’est la mort au travail », écrivait Jean Cocteau. The Chair est le parfait exemple de ce constat, moins dans sa forme que dans son sujet. Drew et ses collaborateurs, Pennebaker et Leacock, les pionniers du cinéma direct, ont filmé les cinq derniers jours avant le recours en grâce d’un condamné à mort. Tout le cinéma est là : la grâce va-t-elle apparaître ou non ? C’est sur ce suspens que le documentaire se met en place. The Chair est la définition même du cinéma puisque ce n’est que de grâce que l’on parle. Ce serait simplifier la structure du film que de n’y voir que des consonnances lacaniennes et pourtant, The Chair est un film miraculeux. Que ce soit par son montage qui fait constamment sens la première fois que la grille de la prison se referme sur les avocats de l’accusé, Paul Crump, le raccord s’effectue sur le swing magistral d’un golfeur qui n’est autre que le substitut du procureur, leur adversaire ou par le filmage caméra à l’épaule, qui rappelle l’engagement physique et politique des films de Kramer. Les situations de The Chair sont parfois si absurdes que l’on se croit soudain plongé en plein Monty Python : quand l’éditrice du condamné, auteur d’un livre, vient lui demander trois jours avant le procès de reprendre un paragraphe, ou encore dans cette phrase sublime d’un directeur de prison, où Crump fut enfermé, qui vient témoigner en faveur de l’accusé : « Dans une telle situation, la tension est bien entendu dix fois plus forte pour lui que pour les autres »… Quant au procès, il est tellement proche d’une fiction qu’aucune fiction ne pourra jamais rendre le réalisme d’un procès : il n’y est question que de droit divin et non de droit pénal. Rédemption est le mot clé, comme si nous étions soudain dans un film de Ferrara. C’est tout le paradoxe : l’homme s’est arrogé le droit de juger son prochain selon des règles immuables (le code pénal) alors qu’ici la défense ou l’attaque ne s’appuient que sur des arguments irrationnels à croire que la grâce est réellement divine… Si on demande à une personne ce qui symbolise le système américain, il y a fort à parier qu’elle répondra « dollar ». The Chair, décidément un très grand film, répondrait que ce n’est pas tant l’objet, le billet de banque, que le mot d’ordre inscrit dessus : « In God we trust », définition plus exacte de cette société. The Chair est indispensable, ne serait-ce que par devoir.
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