« Bâtis ton film sur du blanc, sur le silence et l’immobilité. » Tel est l’un des extraordinaires principes formulés par Robert Bresson dans ses Notes sur le cinématographe, manifeste hautain que ce cinéaste né avec le siècle publia en 1975 pour y énoncer le credo artistique qui avait gouverné toute sa carrière. Cette recherche de l’absolu […]
« Bâtis ton film sur du blanc, sur le silence et l’immobilité. » Tel est l’un des extraordinaires principes formulés par Robert Bresson dans ses Notes sur le cinématographe, manifeste hautain que ce cinéaste né avec le siècle publia en 1975 pour y énoncer le credo artistique qui avait gouverné toute sa carrière.
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Cette recherche de l’absolu exposée avec un sérieux de pape aurait pu passer pour de la préciosité et de la prétention. Sauf qu’elle était mise en pratique par des films d’une beauté singulière et d’une humanité vibrante qui, par leur souci de faire primer la sensation sur le sentiment ont tous assuré à Bresson une place à part dans le cinéma français. Malgré des figures de style facilement reconnaissables la diction atonale, l’emploi de comédiens non professionnels , la voix de Bresson reste inimitable. Pour preuve, ceux qui auront cherché à s’en approcher en reprenant à leur compte ses partis pris les plus extrêmes n’auront en fin de compte accouché que de films hiératiques et abscons Benoît Jacquot jusqu’à La Désenchantée, par exemple.
Treize ans après la sortie de son dernier film (L’Argent), les nouvelles générations de spectateurs seront-elles à même de pénétrer l’univers de ce maître rigoriste et de franchir « le mur de silence et d’immobilité », qui sépare ses films des « vulgarités » du cinéma ?
Au hasard Balthazar et Mouchette en déconcerteront plus d’un par l’extrême simplicité de leur scénario et par la part importante accordée à la bande-son. Dans Mouchette, celle-ci se révèle au moins aussi importante que l’image : les dialogues, souvent proches du ridicule dans leur concision, ne sont qu’un des divers bruits qui contribuent à la musique de l’ensemble. Sans être aussi radicaux que Pickpocket ou Le Procès de Jeanne d’Arc, Balthazar et Mouchette n’en développent pas moins à partir de deux matériaux différents le premier est un scénario original, le second, l’adaptation d’une nouvelle de Bernanos la thématique principale du cinéma de Bresson, la rencontre du hasard et de la prédestination. Evocation de la trajectoire d’un âne confronté aux différents vices des hommes ou destinée tragique d’une fille perdue victime de la cruauté du monde, le propos est le même : la grâce et la sainteté, d’où l’étiquette de cinéaste janséniste qu’on a un peu facilement appliquée à Bresson. Au-delà de l’angle religieux, Au hasard Balthazar et Mouchette sont les oeuvres d’un obsessionnel ne devant rien à personne et qui, à l’instar de tous les grands maniaques du cinéma (Hitchcock, Kubrick, Dreyer, Ozu…), s’est forgé un univers régi par ses propres lois. Pour en capter toute la force hypnotique, il importe de découvrir ces films en salle, ce qui dans le cas de Balthazar n’était pas possible depuis 1970.
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