La nouvelle présidente du Front national ne souhaite plus que son image soit utilisée par le FN belge. Elle s’éloigne ainsi d’un groupe proche de l’ancienne génération frontiste et de Bruno Gollnisch.
L’information a été révélée par Résistances, observatoire belge de l’extrême-droite et publication antifasciste. Marine Le Pen a demandé au Front national belge de ne plus utiliser son image pour promouvoir ses combats.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Le 3 février dernier, Quentin de Launois, secrétaire national du FN belge écrit un mail à Marine Le Pen pour lui demander l’autorisation d’utiliser une photo d’elle posant avec un responsable local pour un tract diffusé dans la région de Charleroi. Dans le message, dont nous avons obtenu une copie, il flatte la présidente du Front national :
“L’”effet Marine » a largement dépassé les frontières de l’Hexagone et de nouveaux militants nous rejoignent chaque jour grâce à vous. Vous nous apportez de la crédibilité et de la visibilité, ce dont nous manquons singulièrement.”
Cordiale, Marine Le Pen refuse :
“L’utilisation de mon image ne peut se faire que dans le cadre des campagnes électorales françaises. En conséquence, je vous saurai gré de ne pas utiliser de photos me représentant pour illustrer vos documents de propagande.”
Pour Manuel Abramowicz, de Résistances, cité par Belga, l’attitude de Marine Le Pen contraste avec la bienveillance de son père, ancien président du parti, à l’égard des frontistes belges. Elle « clôt définitivement des relations politiques vieilles de près de 26 ans« . Joint par téléphone, il ajoute : “Le FN belge espérait profiter de l’effet Marine Le Pen en vue des élections municipales de 2012.”
Une réunification sous le patronage de Bruno Gollnisch
Jusqu’ici, de nombreuses photos montraient des responsables du FN belge en compagnie de Jean-Marie ou Marine Le Pen. Elles étaient d’ailleurs mises en avant sur les sites des candidats belges, leurs pages Facebook ou le site du parti, pour relier le “petit frère” belge à la tradition frontiste française, plus ancienne de dix ans.
Créé en 1985 par Daniel Féret, le FN belge s’inspire ouvertement de l’expérience de Jean-Marie Le Pen. Il reprend d’ailleurs le même nom et la flamme, aux couleurs du drapeau belge. En 2007, l’inculpation de Féret pour des malversations dans la gestion du parti précipite sa chute. Son remplaçant à la tête du FN belge, Michel Delacroix, est ensuite obligé de démissionner en catastrophe, après la diffusion d’une vidéo dans laquelle il entonne une chanson antisémite.
Affaibli et divisé, le parti est alors constitué de deux groupes irréconciliables, qui revendiquent chacun l’héritage historique du FN. L’an dernier, pour les élections législatives, Bruno Gollnisch avait réussi à recoller les morceaux. C’est donc un FN belge réunifié qui est en train d’exploser à nouveau en deux blocs, miné par les conflits de personnes et la revendication du soutien français.
Pendant la campagne interne de succession à Jean-Marie Le Pen, les pro-Gollnisch et les pro-Marine se sont déchirés en Belgique. Alors que le secrétaire national, Quentin de Launois, s’affiche aux côtés de la future présidente, d’autres lui reprochent son parti-pris ou soutiennent l’adversaire…
A qui s’adresse l’interdiction?
Pour Marco Santi, responsable du site du FN belge et membre du bureau politique, la réaction de Marine Le Pen, demandant qu’on arrête d’utiliser son image, est adressée à la fraction du parti personnifiée par Quentin de Launois :
“Depuis quelques temps des personnes du FN utilisent de manière exagérée l’image de Marine Le Pen. Nous leur avons déjà demandé d’arrêter cela mais ils ne respectent pas la hiérarchie.”
Dénonçant une “tentation du putsch”, Marco Santi envisage des sanctions pour les récalcitrants. Marine Le Pen, selon lui, n’a pas voulu désavouer le FN belge mais seulement ce courant. “Pour l’instant nous sommes dans le flou. Nous attendons un contact avec Marine Le Pen pour éclaircir la situation.”
Autre son de cloche chez Quentin de Launois, le destinataire du mail de Marine Le Pen. Pour lui, les responsables français soutiennent sa tendance, plus moderne, et veulent exclure ses adversaires du FN belge. “Ils vont partir, je le souhaite personnellement. Leur tête a été demandée.”
Récupérer la marque
A Paris, le Front national se garde bien de prendre parti dans ce panier de crabes. Ludovic de Danne, membre du comité central chargé des questions européennes, nous explique la nouvelle stratégie du parti :
“Marine Le Pen, depuis qu’elle a été élue à la présidence du mouvement, est en train de redéfinir la politique internationale. Dans ce contexte, il a été décidé de mettre les choses au point avec un certain nombre de mouvements, certains avec lesquels nous allons rompre.”
En ce qui concerne la Belgique, “nos liens sont suspendus en attendant qu’ils fassent leurs preuves”, explique Ludovic de Danne. Querelles de personnes, surgissements réguliers d’épisodes honteux… “Leurs divisions sont devenues incompréhensibles pour nous, leurs perspectives d’avenir et leur discours politique n’a pas de cohérence.”
Pour le politologue Jean-Yves Camus, le FN belge représentait “plutôt un boulet qu’autre chose” pour le Front national. “Il est facile de s’en séparer, d’autant qu’ils n’ont plus aucun député”. Le chercheur résume les options de la nouvelle direction :
“Marine Le Pen essaie de se défaire de tous les contacts internationaux qui passionnaient Gollnisch mais ne rapportent absolument rien en terme électoral. Si elle continue à en prendre, elle le fera avec des mouvements compatibles avec sa ligne, pas des mouvements négatifs en terme d’image.”
Au FN, on nous assure que la question d’interdire aux Belges l’utilisation de la flamme et du nom dépendra d’un éventuel nouveau projet politique.
Camille Polloni
{"type":"Banniere-Basse"}