Jonglant entre deux identités, conjoints et foyers jusqu’au point de rupture, Virginie Efira est au sommet de son jeu dans le film d’Antoine Barraud. Vertigineux.
Si le film de double vie met généralement en jeu une existence domestique et une existence clandestine, il comprend un sous-sous-genre particulier plus retors et plus enclin à la folie : celui dont les protagonistes cumulent deux familles, deux identités publiques et diurnes maintenues par de fragiles prétextes professionnels.
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Madeleine Collins est de ceux-là, avec la particularité supplémentaire de mettre en scène un personnage féminin, ce qui semble presque du domaine de l’impossible (à de rares exceptions comme la déclinaison comique Attention, une femme peut en cacher une autre ! de Georges Lautner, avec Miou-Miou, en 1983). Le film d’Antoine Barraud (réalisateur des Gouffres, en 2012, et du Dos rouge, en 2015, deux longs discrets mais sophistiqués ayant aussi à leur manière exploré les questions de l’identité et du monstre intérieur) a l’intelligence d’en faire pratiquement son sujet, de comprendre que c’est justement autour de cet impossible qu’il doit s’articuler.
Un authentique film d’actrice
D’où un premier acte très stimulant, à un fil du fantastique tant les fondations forcément fragiles de la double vie de Judith/Margot – un jeune compagnon et une fille en bas âge en Suisse, un mari bourgeois et deux fils ados en France – semblent impensables, matériellement, émotionnellement, humainement. Et le film est à son meilleur à ce régime, quand Efira semble changer de peau de scène en scène, non pas comme une bourgeoise qui aurait un secret clandestin, mais comme une femme littéralement dédoublée qui aurait deux quotidiens superposés, en toute ubiquité.
Si Madeleine Collins cesse d’être un vertige et devient plus convenu à partir de l’inévitable point de rupture promis à une héroïne condamnée par ses mensonges, il n’en cesse pas pour autant d’être un film d’actrice. Efira retrouve le sommet de son jeu : rare, voire seule actrice de sa génération capable de délivrer ce genre de partition propre aux woman’s pictures à très hauts reliefs, tout en rétentions et fissures contrôlées, sourires aimants et micro-hésitations.
Madeleine Collins d’Antoine Barraud avec Virginie Efira, Quim Gutiérrez, Bruno Salomone (Fr., Bel. Suis., 2021, 1h42). En salle le 22 décembre.
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