Très en vogue outre-Atlantique, l’autrice américaine continue d’explorer les vicissitudes de la féminité contemporaine en plongeant une vieille femme au cœur d’un faux thriller brumeux à l’ambiance lynchienne.
Protégée de Bret Easton Ellis et pilier d’un nouveau Brat Pack hype et féminin – formé avec Rachel Kushner et Emma Cline – Ottessa Moshfegh aime les héroïnes jeunes, esseulées et déprimées. Dans son premier roman sensation, Eileen (Fayard, 2016), elle mettait en scène une secrétaire de prison aigrie ; dans Mon année de repos et de détente (Fayard, 2019), elle imaginait le retrait voulu du monde d’une jeune new-yorkaise blasée.
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Aujourd’hui, dotée du statut de portraitiste d’un certain mal-être générationnel, la romancière livre La Mort entre ses mains, un texte qui poursuit son exploration du désenchantement féminin, appliquée cette fois au personnage d’une vieille veuve, seule et déprimée, forcément.
Une enquête chaotique entre suppositions, fantasmes et introspection
Tout prend forme lors d’une promenade à l’aube, dans une forêt de bouleaux, avec un chien du nom de Charlie. Sa propriétaire, Vesta Gul, a 72 ans. Elle s’est installée dans une bourgade du Maine après la mort de son mari, où elle habite, isolée, dans une cabane qui borde un lac embrumé. Le décor est planté.
Ce matin de printemps, elle tombe sur une note abandonnée sur un chemin de terre. Le message est mystérieux, il dit simplement : “Elle s’appelait Magda. Personne ne saura jamais qui l’a tuée. Ce n’est pas moi. Voici son cadavre.” Problème : “Il n’y avait pas de cadavre. Pas de tache de sang. Pas de cheveux emmêlés accrochés aux grosses branches mortes, pas d’écharpe en laine rouge mouillée par la rosée du matin dans les buissons.”
Et plus étrange encore, Vera n’a jamais entendu parler d’une femme qui s’appellerait Magda au sein de la petite communauté qu’elle a intégrée depuis un an. Commence alors une enquête chaotique entre suppositions, fantasmes et introspection, qui va voir remonter les maux du passé chez la vieille veuve au chien.
Faux thriller mais vrai méta-psychodrame
Mêlant une ambiance à la Twin Peaks aux thèmes et procédés littéraires qui ont fait son succès – narration répétitive, exaltation de l’ennui, écriture du rien –, Ottessa Moshfegh signe ici un faux thriller mais un vrai méta-psychodrame qui semble réfléchir sans cesse aux pouvoirs et à la raison d’être de la fiction : ces histoires que l’on s’invente pour réenchanter le réel et faire barrage aux violences, frustrations et trahisons de la vie.
La Mort dans ses mains d’Ottessa Moshfegh (Fayard), traduit de l’anglais (États-Unis) par Clément Baude, 260 p., 19 €. En librairie le 5 janvier.
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