Denis Lavant maître de cérémonie d’un concert slam-rap dénudant Shakespeare à l’os de sa radicalité.
Pour tout décor, des portants de vêtements accrochés aux cintres. Un vestiaire luxueux regorgeant de costumes et d’accessoires de marques où les comédiens-chanteurs vont allégrement puiser au fil des états d’âme de leurs personnages.
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Le happening dionysiaque d’un cérémonial d’habillages et déshabillages se terminant invariablement par l’envol dans les airs des coûteuses panoplies… qui s’entassent bientôt sur le plateau en un tas de fripes informe qu’on piétine sans égard. La dénonciation des fastes bling-bling et celle de l’obscène des gâchis d’aujourd’hui pour dire le destin de l’antique Timon d’Athènes de Shakespeare, mécène prodigue jusqu’à la ruine qui finit ses jours expert en misanthropie au fin fond d’un désert où, ironie du sort, il découvre une mine d’or.
[inrockstv 60649]
Raserka Ben Sadia–Lavant inscrit les fulgurances de cette apologie shakespearienne de la joute oratoire dans l’écrin sauvage d’un concert de parler-chanter idéalement mis en musique par Doctor L. qui officie en live.
On jubile alors au spectacle de battles d’imprécations où la poésie du grand Will, qui s’affirme pamphlet politique, draine la détestation de l’ordre social et fait l’éloge de l’insulte, semble taillée sur mesure pour la radicalité du flow rauque de Casey, l’humour bariton de celui D’de Kabal et l’envoûtant spoken-word du rappeur américain Mike Ladd. Face à eux Marie Payen et Denis Lavant (extraordinaire en Timon d’Athènes) relèvent avec brio le gant d’un art du comédien rompu lui aussi à se jouer de l’incandescence du verbe. Champion de la provocation et de l’outrage, Shakespeare resplendit alors comme jamais à travers un lyrisme contemporain qui cadre cet hymne à la révolte d’un autre temps pour le reprendre à son compte.
Patrick Sourd
Timon d’Athènes, Shakespeare et slam. D’après Timon d’Athènes de William Shakespeare. Mise en scène Razerka Ben Sadia-Lavant. Jusqu’au 12 mars à la Maison des Métallos, Paris, 11e.
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