Gravitant dans un espace musical sans frontières et favorisant l’expérimentation, InFiné développe depuis 2006 un catalogue très éclectique dont Rone est aujourd’hui la figure de proue. Avant le fastueux week-end anniversaire organisé ces 13 et 14 novembre au 104 à Paris, rencontre avec Alexandre Cazac, qui a cofondé le label et en assure la direction artistique.
Que nous réserve la fête anniversaire du label au 104 ?
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Alexandre Cazac – Tout d’abord, le 104 nous a fait vraiment un beau cadeau en nous permettant de présenter autant d’artistes et ainsi de refléter au mieux les multiples facettes du label. C’est chouette d’avoir un tel endroit à disposition et de pouvoir y programmer ce que nous voulons. Proposant des concerts (Rone, Deena Abdelwahed, Sabrina Bellaouel, Gaspar Claus, Léonie Pernet, Vanessa Wagner…), des DJ-sets (Frieder Nagel, La Foudre…), des expositions, des tables rondes ou encore un marché aux disques, ce week-end de fête va s’achever dimanche 14 novembre en fin de journée avec des concerts de nouveaux artistes du label, dont les albums sortiront en 2022. Il devait également y avoir une scène réservée aux artistes de La Réunion, mais elle a dû malheureusement être annulée à cause de la pandémie.
Faisons un petit flash-back, comment est né InFiné ?
Je travaillais dans la musique depuis un moment, et je sentais germer en moi l’envie de créer un label. Le déclic s’est opéré lorsque j’ai assisté à un concert de Francesco Tristano en 2004 aux Bouffes du Nord, à Paris. En voyant à l’œuvre ce pianiste remarquable qui s’affranchissait des règles et partait de la musique classique pour explorer la sphère électronique, les désirs musicaux que je souhaitais voir réalisés m’ont semblé se concrétiser. Souvent, les labels indépendants naissent pour combler des frustrations. Lancé officiellement en janvier 2006, InFiné s’est fondé sur un double principe : explorer un territoire musical inclassable – avec un intérêt particulier pour l’électronique – et faire découvrir de nouveaux artistes évoluant au croisement de plusieurs genres.
En parcourant le catalogue constitué en quinze ans, on mesure l’importance de la diversité au sein du label.
Oui, absolument. Aujourd’hui encore, la diversité reste inscrite au cœur de notre ADN. Cela tient d’abord à une raison presque égoïste : toutes les personnes dans l’équipe sont fans de musique et ont des goûts variés. Même si nous aimons beaucoup la techno et le piano, nous n’avons pas envie d’en écouter tout le temps. Nous partageons une même curiosité, avec une attirance prononcée vers les marges.
Combien de personnes travaillent dans cette petite entreprise ?
Au tout début, nous étions quatre : Sébastien Devaud (Agoria), Alexandre Jaillon, Yannick Matray et moi. Sébastien Devaud et Alexandre Jaillon sont partis pour se consacrer à d’autres activités, Yannick Matray – en charge de la partie administrative – et moi avons continué. Aujourd’hui, une dizaine de personnes travaillent pour InFiné. Trois d’entre elles sont basées en Allemagne, dont Julien Gagnebien, monté tôt à bord et devenu un élément essentiel du label au niveau international. J’assure la direction artistique, je tranche quand il faut trancher et j’assume tous les choix, mais je cherche à fédérer le maximum de personnes autour de chaque projet. Nous avançons par petites strates, nous apprenons en grandissant et nous accueillons aussi des musiques de plus en plus diverses. Par exemple, je ne suis pas sûr que nous aurions pu intégrer dans nos rangs Sabrina Bellaouel il y a dix ans.
Le label a démarré au moment où l’industrie du disque, bouleversée par l’avènement d’Internet, se trouvait en proie à une crise structurelle profonde, remettant en cause nos usages de la musique. Il vous a fallu une forme d’inconscience pour passer à l’acte dans ce contexte ?
Sans inconscience, je pense qu’on ne tente jamais aucune aventure. Nous avons eu cette part d’inconscience indispensable. Par ailleurs, le chamboulement que traversait alors l’industrie de la musique nous semblait offrir une opportunité. À l’époque, Internet représentait un espace de liberté, à l’intérieur duquel on pensait pouvoir tout partager avec tout le monde. Ce n’est plus du tout pareil aujourd’hui, cet espace apparaît beaucoup plus régulé, cadré.
Ces dernières années, les plateformes de streaming ont conquis un pouvoir considérable en matière de diffusion de la musique. Comment vous positionnez-vous par rapport à cela, en particulier sur la question de la rémunération des artistes ?
Le marché de la musique est reparti à la hausse grâce aux plateformes, ce qui est un point positif, mais le système tel qu’il est mis en place profite avant tout à une minorité d’artistes en position dominante. Depuis le début, InFiné s’efforce de proposer la rémunération la plus juste aux artistes. Un label n’est rien sans les artistes, nous en avons parfaitement conscience. Au-delà de l’aspect financier, je vois les plateformes de streaming comme des radios FM d’un nouveau genre qui tendent à formater et à niveler l’offre musicale : la diversité en pâtit inexorablement. Les plateformes réclament toujours plus de nouveaux contenus, incitent les artistes à produire toujours davantage, mais la création demande du temps. A contrario, InFiné accorde une importance prépondérante à la valeur et au sens de la création.
Quelles sont les perspectives de développement du label ?
Notre situation économique reste fragile. Nous avons parfois l’impression de naviguer en haute mer, entourés de très grandes vagues. Ça reste compliqué de mener un bateau comme celui-ci mais nous résistons et nous parvenons à rester à flot. Par ailleurs, la famille InFiné ne cesse de s’agrandir. De nouveaux artistes arrivent, qui ouvrent d’autres perspectives. C’est très stimulant. De la même manière, le succès de Rone nous motive et nous encourage. Nous sommes actuellement en train de travailler avec lui sur une version en réalité virtuelle du spectacle A Room with a View, qu’il a conçu avec le collectif (La)Horde. Les avancées technologiques rendent possibles de nouvelles façons d’écouter la musique. Par conséquent, il va falloir inventer de nouvelles façons de la composer et de la produire. Je trouve cela aussi très stimulant.
Propos recueillis par Jérôme Provençal
Week-end InFiné, les 13 et 14 novembre au 104.
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