Techniquement réalisé par Henry Selick, L’Etrange Noël de M. Jack est avant tout une œuvre de Tim Burton où l’on déguste à nouveau les principales obsessions du surdoué de Burbank.
Ce conte de Noël piégé pour enfants et adultes nous entretient donc d’un certain M. Jack, ci-devant roi des citrouilles au pays de Halloween. Jack cafarde dans cette contrée monochrome peuplée d’araignées, de sorcières, de monstres et autres goules. Il est las, il se sent seul. Il se sent revivre le jour où il découvre par hasard le pays de Noël, ses couleurs vives, ses friandises, sa joie de vivre et sa bonne humeur permanente. Ces deux mondes que Burton oppose sont en fait les deux faces extrêmes d’un même pays : l’Amérique de Disney contre l’Amérique de Corman, une façade souriante et gagnante menacée par des tripes noirâtres et tordues les deux camps toujours indissociables telles les deux faces d’une même médaille. Burton partage la même schizophrénie que son personnage : enfant des suburbs élevé aux corn-flakes et à l’entertainment, mais alimentant ses angoisses et son romantisme noir à la lecture de Poe et à la vision de séries Z ; cinéaste remâchant sa solitude et sa différence mais trônant au sommet de la pyramide hollywoodienne et adulé par le public. Dès lors, M. Jack est une nouvelle projection de Burton, un petit frère de Vincent, de Batman, d’Edward et même d’Ed Wood. Des êtres rendus étranges par le regard des autres, mais qui revendiquent au fond d’eux-mêmes une normalité des plus banales. Ce qui est nouveau ici, c’est de constater à quel point l’univers burtonien résiste au format de l’animation, comment ses poupées, évoluant dans un monde splendide entre bricolage gothique et dessin animé tchèque, semblent faites de chair et de sang. C’est que film d’animation ou pas, Burton a toujours façonné ses anti-héros à mi-chemin de l’humain et de la marionnette. Seul regret, la version doublée, particulièrement gênante dans le cas d’une comédie musicale.
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