Régis Wargnier était sans doute animé des meilleures intentions : créer un mélodrame contemporain emblématique dans la lignée d’un Max Ophuls, suggérant en filigrane le sentiment de la France de la IVème République. Projet par ailleurs hautement personnel, le réalisateur d’Indochine s’étant peu ou prou inspiré de l’histoire de sa propre mère. Mais les velléités […]
Régis Wargnier était sans doute animé des meilleures intentions : créer un mélodrame contemporain emblématique dans la lignée d’un Max Ophuls, suggérant en filigrane le sentiment de la France de la IVème République. Projet par ailleurs hautement personnel, le réalisateur d’Indochine s’étant peu ou prou inspiré de l’histoire de sa propre mère. Mais les velléités les plus estimables ne sont jamais gage de chef-d’oeuvre. Une Femme française est un film formellement réactionnaire, du Douglas Sirk sous valium adaptant Le Petit Flaubert illustré pour sélection du Reader’s digest. Cadrages décoratifs, travellings aussi ampoulés qu’inutiles, costumes impeccablement finis on est en pleine maîtrise empesée, étouffé dans un professionnalisme de professionnel. Auteuil et Béart qui eux ont pris quelques risques se démènent comme ils peuvent pour exister dans un univers figé par le décorum. Wargnier, qui a peut-être lu Daney ou Deleuze, dit avoir pris conscience de la notion de durée au cinéma. Ah bon ? Dans Une Femme française, on ne sent pas du tout le passage du temps : les périodes défilent par blocs de dix minutes alignés linéairement sans la moindre dynamique. Une scène de rupture en Syrie révèle l’inconscient colonial du film : le splendide site antique n’est là que pour servir d’arrière-plan touristique au petit drame passionnel lorrain qui monopolise l’attention du réalisateur. Une Femme française (pourquoi française ?), c’est la pérennité de la fameuse Qualité Française des années 50, préfiguration d’un devenir balladurien de nos films dominants, retour d’autant plus déplaisant qu’il s’inscrit dans le contexte revanchard de l’après-Gatt et du centenaire confit. L’heure semble venue de bâtir une hypothétique ligne Maginot du cinéma français censée remplumer le petit coq gaulois, tant sur le plan des chiffres d’entrées que sur celui de sa représentation à l’étranger.
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