Jusqu’à La Mutante, Roger Donaldson était le type même du cinéaste inoffensif. Avec une belle régularité, il se contentait d’aligner les navets : Cocktail, où il filmait la délicate mais nécessaire reconversion de Tom Cruise en garçon de café ; Guet-apens, ou la tentation documentaire de filmer Kim Basinger et son époux dans leurs ébats […]
Jusqu’à La Mutante, Roger Donaldson était le type même du cinéaste inoffensif. Avec une belle régularité, il se contentait d’aligner les navets : Cocktail, où il filmait la délicate mais nécessaire reconversion de Tom Cruise en garçon de café ; Guet-apens, ou la tentation documentaire de filmer Kim Basinger et son époux dans leurs ébats tout en démontrant par l’absurde la totale inanité du projet,.. Oui, on l’aimait bien Roger, et c’est avec confiance qu’on attendait son prochain film : une bonne petite chose anecdotique, à voir sur les Champs avant d’aller au McDo du coin, histoire de rester dans le même ton. Et puis soudain, au beau milieu d’une médiocrité paisible, l’accident incompréhensible, le film de trop…
La Mutante !
II était une fois à Los Angeles… Ce soir-là, Roger Donaldson est content : il vient d’appeler l’Australie, son pays natal, et les nouvelles sont bonnes. Grâce à ses mandats, l’élevage familial de moutons est à nouveau prospère, son frère est formel : « Tu peux arrêter tes conneries et rentrer. On t’attend pour la tonte et y a de la bière au frais. » Fou de joie à l’idée de cesser de faire semblant d’être un cinéaste, Roger promet de prendre le premier avion. Le cinéma américain va pouvoir souffler un peu, Chirac et les moutons vont salement déguster. Mais on sonne à la porte. Roger tressaille et un mauvais pressentiment l’étreint : « Damned! Et si c’était Frankie ? » Devant ses yeux révulsés apparaît Frank Mancuso Jr. Encadré par deux de ses sbires. Roger comprend qu’il peut renoncer à ses rêves de chasse au kangourou. « I have a good script for you! » lui assène sans préambule le producteur de la série des Vendredi 13. Roger sait qu’il est fichu : on ne discute pas avec Frankie. Au dernier à avoir essayé, Frankie lui a fait réaliser Back to the beach, une comédie pour ados.
« Pose un cul que je te raconte, commence Frankie. C’est l’histoire d’une gonzesse, un petit canon de la mort. Mais en fait, elle est pas normale parce que c’est un mélange entre de l’ADN humain et de l’ADN extraterrestre. Ceux qui l’ont créée veulent la détruire mais elle s’échappe et cherche à se
reproduire pour faire plein de petits E. T qui voudront tous nous niquer et prendre le pouvoir. A la fin, c’est elle qui est niquée et on croit la planète sauvée. Manque de pot, y a un rat qu’en a mangé un morceau et les rats deviennent des aliens. Pigé, Roger Tu vas me filmer tout ça bien comme y
faut, avec plein de lumière bleue et des super effets très spéciaux » Sous le regard narquois des deux gorilles, le malheureux Roger bafouille : « Mais qui… Qui a écrit ça ? » « Mon fils… Il a que 12 ans. Pas mal pour un gamin,
non ? En plus, j’ai Ben Kingsley pour le rôle principal et TF1 Vidéo a déjà préacheté sur le conseil d’un certain Pradel. »
Blême, Roger arrive péniblement à articuler la question qui l’inquiète le plus : « Et l’actrice ? Frankie, promets-moi que ce n’est pas Mimi Rogers. «
« Ah, ah, sacré Roger ! Mais non, c’est une petite que j’ai trouvée en couverture de Cosmo. Elle est très, très bien… si tu vois ce que je veux dire ! »Au milieu des rires gras des trois brutes, Roger songe un instant à ce que vont penser les critiquez. Après La Mutante, il sera un homme fini, la cinémathèque de Melbourne ne projettera plus ses films et même Peter Weir se moquera de lui. Mais c’était une proposition qui ne pouvait pas se refuser… On ne discute pas avec Frankie.
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