Sans misérabilisme mais avec lucidité, cette mini-série portée par l’émouvante Margaret Qualley suit l’émancipation difficile d’une mère célibataire précarisée après avoir fui une relation abusive.
Alex est allongée dans son lit à côté de Sean. La nuit est bien avancée mais ses yeux sont grand ouverts. Elle se lève en silence, quitte la chambre aussi discrètement que possible, attrape un sac d’affaires et file en voiture avec Maddie, sa fille de trois ans. Elle ne reviendra pas en arrière.
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Précise et nerveuse, la scène d’ouverture de Maid place son personnage sur la voie d’une libération dont la consolidation sera semée d’embûches. En fuyant un compagnon alcoolique et violent (la veille, une énième dispute a dégénéré, un coup de poing a troué le mur et des assiettes ont volé en éclats), elle va devoir affronter les galères sociales, financières et psychologiques qui enserrent trop souvent les mères célibataires ou victimes de violences domestiques.
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Mise en ligne début octobre sur Netflix, cette adaptation par Molly Smith Metzler du récit autobiographique de Stephanie Land (Maid : Hard Work, Low Pay, and a Mother’s Will to Survive) est en passe de détrôner Le Jeu de la dame au rang de mini-série la plus regardée de l’histoire de la plateforme. Si les deux œuvres ont en partage une émancipation féminine portée par de jeunes comédiennes qui vont compter à Hollywood, Maid préfère à la sophistication rétro de sa prédécesseuse une facture réaliste à l’ancrage quasi-documentaire.
Violences faites aux femmes
Alex s’est enfuie mais elle est seule et sans ressources : sa mère, instable, souffre d’une maladie mentale et son père s’est éloigné depuis des années. Après avoir passé une nuit avec Maddie dans sa voiture, elle demande de l’aide à une assistance sociale et pénètre le labyrinthe administratif des aides. Pas de logement social ni de garderie subventionnée sans travail, mais comment bosser quand on a que dix-huit dollars en poche et une gamine sur les bras ? Elle finit par dégoter un emploi précaire de femme de ménage et entreprend de reconstruire pas à pas son existence tout en luttant pour la garde de sa fille.
Si l’écriture est parfois maladroite et que certaines affèteries de mise en scène tombent à plat, Maid parvient à nous arrimer à la trajectoire de son personnage avec une efficacité qui tient beaucoup au sentiment d’urgence qu’elle installe, sans renoncer à des élans mélodramatiques ou à des touches d’humour. En résulte un portrait de femme émouvant et combatif, traversé par une fantaisie qui n’en dilue pas la rudesse mais l’ancre dans la subjectivité d’Alex.
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Très concrète dans son approche du vécu de son héroïne, la série prend le temps de détailler les procédures auxquelles elle se confronte, de filmer son corps au travail (et celui des employées paupérisées qui l’entourent) et même de compter ses économies, qui s’affichent à l’écran – non par ludisme déplacé mais pour rappeler que la précarité peut frapper sans crier gare et bouleverser notre système de valeurs.
Vers la lumière
En embrassant les personnages dans toute leur complexité psychologique (y compris l’ex violent), les épisodes dénouent les mécanismes d’emprise qui régissent les relations abusives mais aussi les trajectoires cahoteuses qui, d’enfances volées en relations instables, poussent beaucoup de femmes vers la précarité. Et si l’argent y tient une place aussi importante, c’est parce que la détresse d’Alex s’inscrit aussi dans un rapport de classe, que son emploi de femme de ménage appuie de façon très littérale : récurant des demeures luxueuses qu’elle ne pourra jamais habiter pour arracher de quoi survivre, elle se heurte à une violence systémique qui dépasse le cadre familial.
Aperçue dans The Leftovers ou Il était une fois… à Hollywood, Margaret Qualley offre au personnage une sensibilité et une créativité qui déjouent le misérabilisme dans lequel aurait pu sombrer le projet. Affrontant la tempête, elle en retourne les bourrasques à son avantage et trouve, à l’extérieur comme en elle, les ressources pour naviguer vers la lumière – en nous entraînant dans son sillage.
Maid de Molly Smith Metzler, avec Margaret Qualley, Nick Robinson, Rylea Nevaeh Whittet… Sur Netflix.
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