« The Good Wife », série judiciaire apparemment prévisible doublée d’un fin portrait de femme. Avec Julianna Margulies, actrice aimée dans « Urgences ». On embarque.
Cela arrive de moins en moins souvent. Une fois par an, au mieux, une série née sur un network (grande chaîne hertzienne) parvient à attirer notre attention dans le tourbillon des images produites industriellement par la télé américaine. Ni trop idiote, ni exagérément musclée, elle trace son chemin parmi une trentaine de « nouveaux concepts » vaguement nouveaux (le plus souvent pas du tout) et accapare notre esprit.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Malgré son formatage extrême, on l’aime immédiatement et quasiment sans conditions. Il y a eu Les Experts, The Mentalist pour certains et dans un autre genre, Glee. Il y aura maintenant The Good Wife, apparue à l’automne 2009 et désormais collée à nos basques comme une agréable sangsue.
A priori rien d’original: une femme trompée, des intrigues d’avocats
La série repose sur une formule répétée à chaque épisode, un mystère judiciaire à l’ancienne, résolu grâce à une équipe d’avocats toujours brillants. De ce point de vue, The Good Wife fait plutôt dans le déjà-vu (même si elle le fait bien). Les grincheux le remarqueront. Ils moqueront notre amour sincère pour un objet si évidemment majoritaire – les néoconvertis aux séries ne trouvent point de salut en dehors des drames pour grandes personnes du câble. Mais ils auront tort dès cet angle d’attaque.
Car The Good Wife possède les atours et ornements d’un feuilleton adulte moderne, même s’ils sont un peu moins évidents à trouver qu’ailleurs. Son pitch ? Vieux comme la fiction. L’histoire d’une femme blessée tentant de revivre doucement devant nos yeux. Son portrait en mouvement.
A 40 ans passés, la brune Alicia Florrick apprend par la presse que son mari politicien avec lequel elle a deux enfants va non seulement être emprisonné suite à des accusations de corruption, mais qu’il la trompe, images croustillantes à l’appui – on pense aux affaires Bill Clinton ou John Edwards, références avouées des créateurs de la série. L’épouse humiliée publiquement doit faire face devant les caméras.
Pour sa santé mentale et financière, Alicia décide alors de reprendre son activité d’avocate. Ce coup de bambou donne à la série son angle d’attaque particulier, son énergie tout comme son inquiétude fondatrice. A partir de là, rien n’est jamais univoque dans The Good Wife.
La mélancolie de l’infirmière d’Urgences en toile de fond
Sentiments ou actions se doublent d’un fond ambigu où se déploie un récit toujours accroché à l’intime. Il fallait le corps idéal pour habiter cette ambiguïté et cette profondeur. La série l’a trouvé avec Julianna Margulies. L’actrice avait marqué une génération de fans biberonnés aux histoires mélo d’Urgences, en incarnant l’infirmière Carol Hathaway.
La première fois qu’on l’a vue, elle tentait de se suicider à cause un chagrin d’amour. C’était dans l’épisode inaugural et le responsable de ce coup de blues carabiné s’appelait Dr Ross (George Clooney) Une autre époque. Personne ne s’en est jamais vraiment remis. Ni elle ni nous. The Good Wife profite peut-être inconsciemment de ce passé partagé de chaque côté de l’écran. La nostalgie nourrit évidemment l’amour des séries.
Au-delà du fétiche et du souvenir, Julianna Margulies est ici à peu près infailliblement géniale, que ce soit pour pratiquer l’humour à froid ou voguer dans les eaux troubles de la dépression bien cachée. Dans chaque scène, son alter ego Alicia paraît à la fois solide comme un roc et effritée en sourdine. Elle ne hausse que très rarement la voix, exprime peu de sentiments. On la croit même absente. Sa placidité devient finalement un masque de cire sur lequel nous modelons le monde. En somme, c’est une héroïne qui ne bouge presque pas, mais nous aide à voyager loin.
Olivier Joyard
The Good Wife chaque jeudi à 20 h 45 sur M6.
{"type":"Banniere-Basse"}