En adaptant à l’écran le célèbre opéra de Puccini, Frédéric Mitterrand continue en quelque sorte sa série sur “Les Amants du siècle” : après les amours politico-poétiques entre Aragon et Elsa Triolet, la liaison orageuse de Burton et Taylor, notre éternel jeune homme romantique s’attaque à la passion tragique entre la fragile Butterfly et le […]
En adaptant à l’écran le célèbre opéra de Puccini, Frédéric Mitterrand continue en quelque sorte sa série sur « Les Amants du siècle » : après les amours politico-poétiques entre Aragon et Elsa Triolet, la liaison orageuse de Burton et Taylor, notre éternel jeune homme romantique s’attaque à la passion tragique entre la fragile Butterfly et le commandant Pinkerton ! La lecture de Frédo « j’envoie péter ma famille et je ménage mon avenir télévisuel en soutenant Chirac, na ! » la Mitte est à la fois cinéphile et illustrative, légère et académique. Des nombreux films de Mizoguchi qu’il programmait à l’Entrepôt, Mimitte a appris l’art du travelling qui glisse avec virtuosité entre les portes coulissantes et les murs de papier des intérieurs japonais ; de son pedigree prestigieux, il a hérité d’un certain sens de la retenue, de l’élégance sobre. Son Madame Butterfly est ainsi griffé d’une facture esthétique aussi jolie qu’inoffensive : le neveu du Tonton n’enlève rien à l’œuvre de Puccini, mais ne lui apporte pas grand-chose non plus ! Les chanteurs chantent bien, les kimonos sont bien repassés, les tatamis sont moelleux et il ne manque pas un roseau au bord de l’eau… Mais où est la vision personnelle de Mitterrand ? Les privilégiés qui avaient eu l’occasion de voir la version zen de Bob Wilson à l’Opéra Bastille en 93 se souviennent sans doute de ses audaces formelles : un tatami, un petit tas de sable et un bonsaï suffisaient à composer un décor évocateur ; du modernisme des costumes aux savants jeux de lumière, tout était marqué du sceau Wilson, concourant à donner un écrin neuf à l’œuvre de Puccini. On a aussi en mémoire la relecture toute personnelle de David Cronenberg qui, s’inspirant d’un fait divers, avait fait de Mme Butterfly un travesti. Chez le cinéaste canadien, l’argument de l’opéra n’était qu’un prétexte pour nourrir sa réflexion sur ses thèmes habituels : identité sexuelle, double, obsession du corps et de l’anatomie. Rien de similaire ici : la seule utilité d’un tel projet semble se limiter à une démocratisation de l’art lyrique, l’œuvre de Puccini étant placée à portée de toutes les bourses et visible dans toutes les salles. Ce qui est bien socialement, mais insuffisant esthétiquement. Par son orthodoxie impeccablement lisse, Mimitte rend involontairement hommage au talent de ses prédécesseurs.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}