Planquée sous le tchador d’un discours sur le cinéma, une vision subtile de la société iranienne. Dans le génial Close up d’Abbas Kiarostami, on assistait au procès d’un pauvre gars qui avait usurpé l’identité d’un réalisateur visiblement très populaire en Iran, mais absolument inconnu sur nos rivages – si ce n’est pour une petite poignée […]
Planquée sous le tchador d’un discours sur le cinéma, une vision subtile de la société iranienne.
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Dans le génial Close up d’Abbas Kiarostami, on assistait au procès d’un pauvre gars qui avait usurpé l’identité d’un réalisateur visiblement très populaire en Iran, mais absolument inconnu sur nos rivages – si ce n’est pour une petite poignée de spécialistes. Ce cinéaste qui apparaissait à la fin du film de Kiarostami en compagnie de son sosie usurpateur était Mohsen Makhmalbaf dont la dernière oeuvre en date sort cette semaine en France. L’un des sujets de Close up était la fascination exercée par le cinéma, cette capacité d’émerveillement qui a tendance à s’émousser sévèrement dans nos pays industrialisés gavés d’images. Ce pouvoir magique du cinéma qui reste intact en Iran est aussi l’un des sujets de Salam cinéma, et l’on en voit un échantillon éclatant au début du film. A la suite d’un avis de recherche d’acteurs lancé par Makhmalbaf, une foule en délire se rue à l’assaut des bureaux du cinéaste, chacun étant prêt à piétiner son voisin pour passer l’audition en premier. Le cinéaste adopte un dispositif très simple, proche de certains Kiarostami : on assiste tout bonnement aux auditions, ce qui lui permet d’interroger le rapport entre la population iranienne et le cinéma, de faire fictionner de la matière documentaire et… de boucler un film. Le défilé des auditions donne lieu à un amusant catalogue des postures et clichés du cinéma, les candidats comédiens miment une scène d’affliction ou une séquence de fusillade digne de John Woo à laquelle ne manquent que les flingues et les effets spéciaux. L’humour n’exclut pas non plus la cruauté extrême de certaines situations, quand le cinéaste profite de sa position de supériorité totale pour manipuler des jeunes filles et les pousser jusqu’aux larmes, le tout au cours d’un test où elles devaient justement pleurer sur commande. C’est finalement la fille aux sanglots les plus convaincants qui décrochera le rôle. Au-delà de son aspect workshop, Salam cinéma est surtout passionnant par ce qu’il révèle de la société iranienne. Il est rassurant de voir que les jeunes gens pensent plus souvent à Paul Newman ou Sly Stallone – acteurs au service du Grand Satan – qu’à Allah ou Khomeiny. Il est encore plus réjouissant de deviner sous les dehors austères des tchadors les visages maquillés de jeunes filles très gracieuses, et d’apercevoir furtivement que leurs djellabas cachent le plus souvent des jeans et des baskets. Petite victoire à mettre au compte, non pas de Levi s ou de Reebok, mais de la liberté. Ainsi, dans le cinéma iranien sous surveillance, un sujet, tel un voile pudique, peut toujours en cacher un autre. Au-delà de ses auditions, Mohsen Makhmalbaf nous montre un corps social iranien qui rêve plus de culture pop américaine que de guerre sainte.
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