Odes mélancoliques à la jeunesse fuyante, deux moyens métrages dévoilent l’univers et les progrès de Jacques Maillot, cinéaste en devenir. Quatre amis. Deux garçons et deux filles. Ils vivent seuls, chacun dans leur coin. On ne sait pas grand-chose de leur boulot, de leur famille, de leur passé. On devine juste qu’ils s’agrippent depuis plusieurs […]
Odes mélancoliques à la jeunesse fuyante, deux moyens métrages dévoilent l’univers et les progrès de Jacques Maillot, cinéaste en devenir.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop","device":"desktop"}
Quatre amis. Deux garçons et deux filles. Ils vivent seuls, chacun dans leur coin. On ne sait pas grand-chose de leur boulot, de leur famille, de leur passé. On devine juste qu’ils s’agrippent depuis plusieurs années au solde de leur jeunesse. Au risque de s’enliser, de se perdre. Corps inflammables attrape au vol un moment précieux de la vie de ces personnages. Trois nuits désordonnées au cours desquelles chacun va se retrouver confronté à lui-même. Des vérités cruelles éclatent en série Luc et Juliette aiment Bruno. Lequel aime Corinne. Laquelle a bien du mal à aimer quelqu’un. La solitude fuse de partout. Reste pour chacun à se l’entendre dire, à la partager avec l’autre.
Corps inflammables veut moins être une fiction qu’une esquisse de fiction. Une suite de fragments incandescents, qui se télescopent. Chaque scène se suffit à elle-même, mais s’inscrit en parallèle avec les autres. C’est un film-éclair dont la durée ? quarante minutes ? est pleinement justifiée. Un théâtre de l’énergie disruptive et de l’aveu, filmés tous deux pour ce qu’ils sont: des symptômes de lutte intérieure. C’est simple et direct, sans que ça ne soit jamais décisif: chaque scène reste ouverte. Le cinéaste passe d’un personnage à l’autre, d’une solitude à une autre. Il n’y a ni vainqueur ni vaincu, mais des gens blessés qui apprennent à s’accepter tels qu’ils sont. Pas de début ni de fin: les personnages préexistent au film et lui survivent, sans qu’on sache ce qu’il adviendra d’eux. A l’instar du feu, le film possède la double propriété d’être saisissant et insaisissable. Son attrait repose à la fois sur ses incomplétudes, son aspect fuyant et volatil, et son caractère très physique. Ici, les corps se déchaînent et s’abandonnent. Juliette danse comme une folle furieuse dans son appartement et s’écroule sur son lit, épuisée. Bruno et Corinne s’étreignent violemment. Luc court jusqu’à perdre haleine, pour s’arracher à la honte d’être puceau. Corps inflammables fait la part belle à ses quatre personnages (et à ses acteurs, tous excellents). Il possède un sens du partage qui fait plaisir à voir, à entendre aussi : la musique (Dominic Sonic, Noir Désir, Jimmy Oihid) est
toujours au cœur de l’action, jamais apposée. Seul moment de répit: la scène finale où le groupe est rassemblé au grand complet, en pleine lumière. Corinne se repose dans un jardin d’hôpital, après une tentative de suicide. Ses trois amis viennent la voir.
Images étrangement calmes d’après la bataille. Les quatre entament une danse sur une complainte émouvante de Bourvil (eh oui, Bourvil). Il plane alors un sentiment mêlé de tristesse ? une sensation du temps perdu ? et de sérénité, une promesse de bonheur. Corps inflammables est précédé d’un autre film de Jacques Maillot, 75 centilitres de prière. Un peu moins long (30 mn), moins réussi aussi. Là encore, le récit se fonde sur un principe de mise à nu des sentiments. Des amis de longue date se retrouvent au cours d’un dîner. Certains se sont mariés. On échange poliment des souvenirs, des plaisanteries de circonstance. Mais à la suite d’un jeu, la soirée bascule dans le psychodrame. Les frustrations et les jalousies remontent à la surface et chacun dresse un bilan (gris) de son existence. On a l’impression d’être dans un film de Sautet. Seule différence notable : le cap dépressif n’est plus la quarantaine mais la trentaine Maillot n’a peur de rien et son film ne manque pas de sincérité (on y retrouve Olivier Py, formidable dans les deux films). Hélas, l’amertume qui s’en dégage est par trop transparente. Voir les deux films à la suite est néanmoins intéressant car on mesure le chemin parcouru en peu de temps. Le cinéma de Maillot a mûri, a pris de l’ampleur. On ne se fait plus de bile pour son prochain film. Aussi désenchanté soit-il.
{"type":"Banniere-Basse","device":"desktop"}