Le Cinéma invisible révèle cent projets cinématographiques inaboutis d’artistes. Un travail unique et remarquable. Près de sept cents pages graphiquement très disparates retracent l’histoire alphabétique de ce que Christian Janicot appelle le « cinéma invisible . Qu’est-ce que le cinéma invisible D’abord, par définition, celui que l’on n’a jamais vu, et que l’on ne verra […]
Le Cinéma invisible révèle cent projets cinématographiques inaboutis d’artistes. Un travail unique et remarquable.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Près de sept cents pages graphiquement très disparates retracent l’histoire alphabétique de ce que Christian Janicot appelle le « cinéma invisible . Qu’est-ce que le cinéma invisible D’abord, par définition, celui que l’on n’a jamais vu, et que l’on ne verra sans doute jamais. Christian Janicot propose ainsi, pour célébrer avec originalité et élégance les cent ans du 7e art, une anthologie de cent scénarios (dans le sens le plus large du terme il englobe aussi bien des poèmes, des récits que des peintures) conçus par des artistes plus ou moins éloignés du cinéma, souvent des écrivains, parfois des peintres. On est loin des adaptations que Faulkner pouvait faire pour Hollywood: ici, ce sont de vraies créations originales qui nous sont données à lire, admirablement mises en pages, avec des moyens graphiques exceptionnels. Car l’une des très bonnes idées de Janicot, c’est de donner à voir les textes, de les mettre en scène sur la page, à défaut de l’écran. Avec l’aide de graphistes expérimentés, il anime les textes, jongle avec les typos, insère des images, renouvelle à chaque texte la mise en forme. L’ensemble est parfois difficile à lire (en particulier Le Canal de Panama, de Zweig, aux caractères trop étroits et trop resserrés), mais le plus souvent très réussi (La Révolte des machines ou la pensée déchaînée, de Romain Rolland et Frans Maserel). Tout cela est très inventif et fort joli à regarder, mais il faut ensuite les lire, ces textes. Et l’enthousiasme rebondit. Car la majorité, ceux que nous avons lus en tout cas, tiennent fort bien la route comme textes littéraires à part entière on retrouve le ton des artistes, une voix originale dans des écrits pourtant considérés comme mineurs. Ainsi le très beau Voyage à la lune de Federico Garcia Lorca pourrait être lu comme une poésie de son auteur, et le texte de Hofmannsthal, Daniel Defoe, esquisse pour un film, être compris à la lumière d’autres textes du même. On retrouve également les préoccupations d’Yves Klein dans son esquisse de scénario , au titre parlant: La Guerre (de la ligne et de la couleur). Les écrivains et artistes gravitant autour du surréalisme et de toutes les avant-gardes du début du siècle sont les plus représentés pour « leur dimension poétique, l’impalpable frontière entre poésie et image, qui se révélait incompatible avec la technique de l’époque ». C’est aussi, selon Janicot, au début du siècle que l’on trouve le plus de « jeu avec l’image »: « linéaire, l’histoire quitte ensuite le domaine du merveilleux, délaisse la fantaisie pour l’ordre du réel et surtout du réalisable. » On découvre ainsi aussi bien des textes de Maïakovski que de Picabia, de Soupault que de Malévitch. Cet ouvrage foisonnant pose toutefois un problème central celui de la représentation. On est en général face à des textes probablement conçus autant pour la lecture que pour l’adaptation, et qui se posent peu la question de savoir comment ils pourraient être montés puis montrés sur un écran. Mais c’est de cette impossibilité, de ce pas réalisable que découle l’un charmes du livre et de ses expériences impossibles. Le cinéma ménage rarement de tels plaisirs de lecture, profitons-en.
{"type":"Banniere-Basse"}