Chevillé au magnétique Fares Fares, ce thriller suédois plonge dans les méandres troubles d’une communauté en apparence idyllique et ausculte, en creux, les démons qui s’agitent sous le vernis progressiste du pays.
On entre dans Partisan comme dans un thriller américain des années 1970, dans le sillage d’un grand gaillard aux allures de cow-boy et qui a le regard taciturne du mec qu’il vaut mieux ne pas emmerder. Chargé de conduire deux orphelines ballottées d’un foyer à l’autre à Jordnära, une communauté autogérée où elles doivent passer leur été, il s’y fait engager comme chauffeur de camion pour aider ses membres à transporter les légumes cultivés dans la ferme biologique du domaine.
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Que le soleil blafard, les hommes de main patibulaires et la petite bourgade voisine décatie ne nous trompent pas : nous ne sommes pas dans le Midwest, mais en Suède, pays qui arbore depuis des décennies un modèle social progressiste et respectueux de l’environnement tout en nous abreuvant en sous-main des séries les plus sombres.
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Mélange des genres
Lauréate du Grand Prix au festival Canneseries 2020, Partisan s’inscrit dans la tendance du “polar scandinave” tout en cultivant le désir d’explorer des territoires moins balisés. Son générique fait office d’augure sinistre : une jeune fille aux mains liées chute à travers les airs jusqu’à tomber dans l’eau, où elle va a priori se noyer.
Cette vision, qu’on imagine programmatique, dissipe quelque peu le mystère d’une œuvre qui ambitionne pourtant de brouiller les pistes et joue du mélange des genres, dissimulant sa structure policière derrière la radiographie d’un fonctionnement communautaire et piochant dans les codes du teen movie comme dans ceux de l’horreur.
Si l’on comprend rapidement que Johnny n’a pas mis les pieds à Jordnära par hasard, ses motivations profondes restent troubles, et la part d’ombre qui l’enserre ne se dissipera que par touches parcellaires. La réussite relative de la série tient d’abord à la façon dont on en perce les secrets aux côtés d’un personnage qui lui-même nous échappe, comme si l’on avançait sur un sol marécageux.
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Contradictions
Fares Fares, acteur libano-suédois récemment aperçu dans Le Caire confidentiel ou Chernobyl, donne une belle épaisseur à cet observateur versatile, glissant de l’employé docile à l’enquêteur discret et du protecteur attentif à la brute impulsive. Si l’arène où il met les pieds présente le visage souriant d’une utopie harmonieuse, des déraillements successifs – remarques racistes, travaux suspects, disparitions inquiétantes – viennent en écailler le vernis pour faire apparaître une structure sévèrement hiérarchisée aux ambitions suspectes.
Intrigante durant ses premiers épisodes (notamment quand elle met en scène le culte du corps parfait qui s’opère autour de la troupe de gymnastique locale, ou qu’elle suit Johnny dans ses investigations nocturnes), la série perd en singularité à mesure que les activités sinistres des dirigeant·es de Jordnära sont mises en évidence, raccordant le projet à un imaginaire sectaire un peu daté. Marqué par un traumatisme personnel, Johnny dévie progressivement de sa mission initiale pour endosser l’habit du justicier torturé, et ancre la série dans des ornières plus convenues.
On en retiendra surtout la manière à peine voilée dont elle fait de Jordnära, havre prospère cerné de caméras de surveillance, terre d’accueil rongée par la peur de l’autre, un précipité de la Suède et de ses contradictions, dont les vieux démons encore vivaces nourrissent les spectres à venir. Franc succès dans son pays natal, Partisan a été renouvelée pour une deuxième saison de cinq épisodes, signe que ses secrets n’ont pas tout été révélés et ont, peut-être, remué quelque chose de l’inconscient collectif du pays.
Partisan, de Mauricio Molinari, Amir Chamdin et Fares Fares, avec Fares Fares, Johan Rheborg, Anna Björk… Sur MyCanal.
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