La jeune cinéaste Naïla Guiguet raconte avec sensibilité le monde de la nuit et des minorités LGBTQI+.
Le cœur de Dustin bat fort. Si fort que l’on ne sait plus si les beats qui percutent la piste sonore sont ceux crachés par les enceintes d’une célèbre soirée techno parisienne ou les pulsations qui soulèvent l’intérieur de la poitrine de l’héroïne. Le regard perdu, embué par l’alcool et les drogues, la jeune fille trans divague au milieu de la foule de teufeur·euses. Elle cherche désespérément son amoureux Félix qui a disparu depuis un long moment dans l’immensité du hangar bétonné. Soudain, elle l’aperçoit en train d’embrasser un garçon. En une fraction de seconde, se dessine les premiers traits d’une histoire d’amour qui s’éteint.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop","device":"desktop"}
Réunissant une partie du casting aperçu dans De la terreur, mes sœurs ! du jeune cinéaste Alexis Langlois, Dustin poursuit sur une veine moins fantasque et plus naturaliste, un cinéma queer et libertaire désireux de montrer d’autres corps et espaces que ceux mis en avant par le cinéma d’auteur français traditionnel.
Également DJ et co-fondatrice des soirées Possession, la réalisatrice Naïla Guiguet restitue avec une justesse documentaire percutante l’expérience de la transidentité et des minorités LGBTQI+ le temps d’une fête, puis son prolongement dans un after (lieu que nous n’avions pas vu saisi avec une telle douceur et authenticité depuis le court métrage Fanfreluches et idées noires du même Alexis Langlois)
>> À lire aussi : Qui est Alexis Langlois, la nouvelle pépite queer et trash du cinéma français ?
Utopie d’une nuit sans fin
La grande beauté mélancolique de Dustin réside dans la mise en scène même de cet espace si particulier qu’est l’after, cette utopie qui voudrait prolonger la nuit indéfiniment, refuser le sommeil pour toujours mais qui devra, un moment, se résigner à l’échec. Les histoires d’amour, comme les afters, ne voudraient jamais être quittées. Enveloppé·e par l’extase de la fête ou les bras chauds d’un·e amant·e, on voudrait si lover éternellement, et c’est toujours un déchirement l’instant où, même harassé·e de fatigue, il faudra franchir l’encadrement de la porte, se retourner une dernière fois et dire au revoir. Dustin, est l’histoire bouleversante de cet adieu. À la fête et à l’être aimé.
À ce mouvement se superpose un regard cette fois plus lumineux. La fête est finie, mais une autre commence. C’est la promesse du petit matin incarnée par une phrase qui semble anodine lancée par un épicier à la jeune fille à la fin du film (“Bonne journée mademoiselle”) et qui pourtant touche en plein cœur. Dustin sourit.
Quelques minutes plus tôt, elle avouait à un homme rencontré en soirée : “Une bonne journée, c’est une journée où dans la rue tout le monde m’aurait appelé madame”. Pour Dustin, ce n’est peut-être pas une si mauvaise journée qui commence.
{"type":"Banniere-Basse","device":"desktop"}