Un opéra endeuillé, empli de tensions et de passions, par une grande inventrice de formes.
Haley Fohr aime nous raconter des histoires. Comme celle de son alter ego Jackie Lynn sur Jacqueline (2020) pour qui elle avait mis de côté Circuit des Yeux. -io marque son retour et nous arrive avec un curieux mode d’emploi, qui parmi ses conseils (allumer une bougie, marcher) nous glisse que cet album est un roman. Après un tourbillon instrumental en préface, l’ouvrage commence par une chute (Vanishing) qui laisse à la voix ample de Fohr tout un espace où batailler contre les vents dramaturges d’une orchestration vrillée de cordes.
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On saisit d’emblée qu’elle nous parle d’un monde où tout finit sans cesse ; sa conception a d’ailleurs suivi un deuil chez l’artiste. La production, panoramique voire morriconienne (les guitares de Dogma), aiguise des batteries et percussions martiales installant un climat de collision qu’on n’avait pas connu si théâtralement tendu depuis These New Puritans.
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Un roman à écouter
Le territoire de Circuit des Yeux, plus frontalement que sur le ténébreux Reaching for Indigo (2017), est avant tout lyrique, à la suite de Scott Walker, de Klaus Nomi. C’est sur une scène d’opéra que la chute initiale aboutit. On y trouve des bribes de folklore (au sens le plus large), happées par endroits par les nappes lynchiennes – le sublime Walking Toward Winter, qu’on dirait joué sur la scène de Mulholland Drive. Devant le rideau rouge, ou orange comme le ciel de Floride qui l’a inspirée, Haley Fohr lâche toutes les brides (Argument, chant du cosmos en cinq minutes) et ne craint ni l’expressionnisme ni le baroque. Circuit des Yeux, roman à écouter avec les oreilles et les tripes.
-io (Matador/Wagram). Sortie le 22 octobre.
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