Pour la troisième année, la Région Île-de-France a voulu célébrer ces Franciliennes qui s’engagent et font bouger les lignes. Les trophées ellesdeFrance ont récompensé 4 femmes dans les domaines de l’innovation, de la création, de la solidarité ainsi que du courage et du dépassement de soi. Le prix Simone Veil, attribué par le public, met également à l’honneur une personnalité pour sa détermination à défendre une cause. Cette semaine, c’est de Nasrin Sotoudeh, militante iranienne et lauréate de cette dernière distinction, que nous avons choisi de vous parler.
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Qui est-elle ?
“ La prisonnière politique la plus célèbre de la République islamique” d’Iran. C’est avec ces mots que le quotidien Le Monde introduit Nasrin Sotoudeh à l’occasion d’un portrait qui lui est consacré en juin 2019. La renommée de l’avocate et militante des droits de l’homme tient au combat qu’elle mène depuis plus d’un quart de siècle pour faire respecter les libertés des Iranien·ne·s, quitte à y laisser des plumes: depuis2010, la Téhéranaise a passé six ans derrière les barreaux. Bien que non francilienne, elle est “très soutenue par la Région Ile de France […] car elle incarne les droits des femmes dans le monde, […] le courage de toutes ces femmes avocates qui défendent les opprimés et les minorités”, dixit Valérie Pécresse lors de la remise des Trophées. Actuellementemprisonnée pour “avoir encouragé la corruption et la dépravation”, la quinquagénaire ne devrait pas être libérée avant 2031.
L’engagement de celle qui se raconte comme féministe et laïque remonte à ses plus jeunes années, passées au sein d’une famille traditionnelle de la classe moyenne. “Je pense que j’avais en moi dès l’enfance un besoin de justice”, raconte-t-elle à l’Obs en novembre 2019. En intégrant l’Université de Chahid-Behechti, la soif d’agir de la future avocate s’intensifie. “La nécessité de défendre les victimes d’abus, je l’ai sentie dès mon entrée à la faculté de droit, avec une force brûlante qui ne s’est jamais éteinte.”
Effectivement, l’étincelle ne semble pas près de disparaître, même dans les situations les plus délicates. Lors de son premier séjour en prison, Nasrin Sotoudeh refuse de porter le tchador. En guise de punition, ses geôliers l’empêchent d’assister à l’enterrement de son père et de recevoir les visites de ses deux enfants. Elle ne flanche pas. La militante fera trois grèves de la faim pour protester contre la pression pesant sur sa famille avant d’être libérée au mitan de sa peine puis de se retrouver de nouveau incarcérée cinq ans plus tard.
Pourquoi a-t-elle gagné un Trophée ellesdeFrance?
“A travers cette nomination, c’est tout notre soutien que nous avons choisi de lui manifester”, déclarait la Présidente de la Région Ile de France en mars dernier, afin de présenter Nasrin Sotoudeh au public qui a voté pour elle. Un public qui, en lui permettant de remporter le Prix Simone Veil, a souhaité récompenser son courage et sa détermination. Flashback: décembre 2017. Des femmes têtes nues, debout sur une fontaine, un muret ou une armoire électrique. Au bout de leur bras tendus, un foulard, accroché à un bâton: le mouvement des “Filles de la rue de la Révolution” voit le jour en Iran, pour contester l’obligation du port du voile dans l’espace public. Rapidement, le régime des mollahs réprime la mobilisation et plusieurs activistes sont arrêtées. Trois d’entre elles sont représentées par Nasrin Sotoudeh, qui deviendra par la force des choses la porte-voix du mouvement.
Sa parole s’appuie autant sur des arguments juridiques que sur des convictions très personnelles. A France Inter, en 2018, elle déclare: “Le voile obligatoire n’existe pas dans la Constitution iranienne. Une partie des femmes qui ont voté il y a 40 ans pour cette Constitution étaient non-voilées. […] Si le code pénal islamique oblige au port du voile, cela va à l’encontre de la liberté de l’individu, donc ce n’est pas légal.” Dans l’Obs, l’année suivante, l’avocate se confie: “En tant que femme et mère, je me sens à la fois insultée par la contrainte du port du voile et inquiète pour l’avenir de ma fille. La liberté de choisir comment me vêtir est, pour moi, fondamentale”
Suite à ses prises de position, Nasrin Sotoudeh est condamnée en 2019 à 12 ans de prison pour “incitation à la débauche”. Depuis, la lauréate du prix Sakharov pour la liberté de l’esprit purge sa peine dans la prison de Qarchak. Hautement symbolique, ce Trophée est aussi l’assurance qu’en Île-de-France comme ailleurs, personne ne l’oublie.
Margot Cherrid
Depuis trois ans, la région Île-de-France récompense des Franciliennes aux profils divers, engagés et inspirants à l’occasion des Trophées ellesdeFrance. La troisième cérémonie, organisée le 8 mars 2021 et marrainée par la journaliste Sonia Mabrouk, a permis de mettre en lumière et de promouvoir ces personnalités qui s’engagent pour une société plus juste et innovante.
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