Alors que “The White Lotus” et “Sex Education” étaient mises à l’honneur, le festival Cannois des séries a récompensé une comédie érotique finlandaise sur une femme aux sept amants.
Décalé à l’automne pour cause de pandémie, Canneseries a finalement connu cette semaine sa quatrième édition, tout juste un mois et demi après son concurrent Séries Mania, installé à Lille. Une manifestation en forme de best of des 18 derniers mois, marquée par la présence de figures passionnantes du monde des séries, à commencer par la merveilleuse Connie Britton (lire notre entretien avec elle) venue récupérer un “Icon Award” pour sa carrière faite de subtilité et de force féminine, de Friday Night Lights à l’excellente sensation de l’été The White Lotus.
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En goguette en France depuis le mois de septembre, le créateur de cette dernière, Mike White, était également présent sur la Croisette. Il en a profité pour confirmer l’écriture en cours d’une deuxième saison de sa satire du monde des riches en vacances, ainsi qu’un tournage prévu début 2022, autour d’un nouveau casting.
La particularité des festivals de séries, dans leur aspect compétitif, reste de ne montrer que des débuts d’histoires, en général deux épisodes, qui ne suffisent évidemment pas à prédire complètement de grands ou petits destins. Le point le plus intéressant de ce type de manifestation ? La diversité des nationalités ayant droit au chapitre. Si l’Asie demeure encore peu présente, alors que les années à venir devraient illustrer son émergence dans la foulée de hits mondiaux comme Squid Game, l’axe anglo-américain dont nous avons l’habitude en tant qu’amateur·rices de séries est largement remis en question. Europe, Israël et Amérique du Sud étaient cette année les plus représentés. Et le jury, présidé par l’acteur danois de Game of Thrones Nikolaj Coster-Waldau (Jaime Lannister dans la série) a récompensé une comédie finlandaise.
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Série érotique
Tournée en noir et blanc, Mister 8 raconte l’entrée d’un homme à la recherche de l’amour dans la vie d’une femme qui dispose de sept amants, un pour chaque jour de la semaine. Plutôt plaisante et originale, souvent drôle, la création de Teemu Nikki et Jani Pösö décrit une héroïne pleine de force, qui place son propre désir avant toute autre considération. Un rôle joué avec un mélange d’amusement et de rage par l’intéressante Krista Kosonen. C’est son homologue masculin, Pekka Strang, qui lui a remporté le prix (non genré) de la meilleure interprétation. Cela posé, Mister 8 n’atteint pas vraiment les sommets qu’elle pourrait promettre, à force de ne pas vraiment choisir entre celle qui organise le récit et son nouvel amant, par lequel la série commence et à qui son titre est dédié. Entre point de vue masculin et point de vue féminin, l’ensemble manque de précision et ne provoque pas une vraie circulation du désir et du regard. Pour une comédie érotique, c’est un comble.
L’autre série multi récompensée cette année est allemande, un pays encore trop souvent associé à ses années Derrick. The Allegation a remporté le Grand Prix Dior et valu également à son créateur Ferdinand Von Schirach un trophée du meilleur scénario, ce qui n’a rien d’absurde. Sur le modèle du vieux héros fatigué – ici, un avocat en bout de course qui se réveille en défendant une femme accusée du meurtre de son mari -, la série revisite le polar classiquement glauque en restant dans les pas de cet homme insuffisant, potentiellement véreux et involontairement drôle. Très tenue, The Allegation manque peut-être un poil de folie pour convaincre totalement, et semble se diriger, au bout de seulement deux épisodes, vers un respect des règles du genre finalement assez classique.
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Nos séries préférées
Nos séries préférées de cette édition venaient de Serbie et d’Isräel, jouant de façon plus profonde à nos yeux avec les récits les plus attendus. Awake, de Ljubica Lukovic et Matija Dragojević, parcourt les rues éprouvées d’une petite ville ouvrière où une policière débarque pour prendre en main ce qui semble être une affaire de suicides. Sonja Kljun partage avec sa fille un don qu’elle ne comprend pas vraiment, celui de rêves divinatoires. Au lieu de traiter le sujet de manière ostentatoire, Awake reste du côté d’un certain réalisme inspiré et du portrait de cette âme blessée qui tente d’en soigner d’autres. On pense parfois à l’incroyable série britannique Happy Valley, ce qui n’est pas le moindre des compliments.
On espère voir la série – qui a remporté le prix du Public – sur une chaîne française prochainement, tout comme notre autre chouchou de la compétition, Unknowns, co-créée et réalisée par le passionnant Tawfik Abu Wael, un scénariste-réalisateur arabe israélien déjà partie prenante de l’une des meilleures surprises de ces dernières années, Our Boys. Située dans un foyer pour jeunes en rupture de ban, la série regarde avec méticulosité les dynamiques intimes et sociales à l’œuvre dans un pays coincé dans ses discriminations et néanmoins capable de les interroger. Les jeunes comédien·nes prennent toute la place qui leur est donnée et rien ne semble surjoué dans cette histoire qui pourrait à tous moments se perdre dans une surenchère de violence.
On trouve un sens des scènes et des moments suspendus assez rare pour être signalé, qui démontre que les séries ont beau être souvent prisonnières de genres favorisés par les chaînes – ici, le drame social -, les meilleures parviennent à s’en sortir par le haut.
Le palmarès complet de Canneséries est à retrouver sur www.canneseries.com
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