LILLIAN & THIRTEEN Les étranges films de David Williams, à la lisière de la fiction, du documentaire, du conte de fées et de l’art conceptuel.Les deux longs métrages de David Williams, cinéaste américain familier des festivals, sont enfin distribués en France (merci ED). Williams a la réputation de fabriquer des documentaires avec des images de […]
LILLIAN & THIRTEEN
Les étranges films de David Williams, à la lisière de la fiction, du documentaire, du conte de fées et de l’art conceptuel.
Les deux longs métrages de David Williams, cinéaste américain familier des festivals, sont enfin distribués en France (merci ED). Williams a la réputation de fabriquer des documentaires avec des images de fiction ou des films de fiction avec des images documentaires, on ne sait plus trop. Disons qu’il demande à des gens (non-acteurs et acteurs professionnels mélangés) de jouer ou rejouer devant sa caméra leur (ou une) vie. Le tournage court sur plusieurs mois. Puis Williams, de cette bonne centaine de bobines de rushes, tire, après de longs mois de montage, un film. A force d’allers et retours, d’équilibre et de déséquilibre entre fiction et documentaire, il parvient à créer un monde particulier qui a toutes les apparences de la réalité, ou plutôt de ce qu’on en voit dans les téléreportages diffusés dans les émissions de Delarue. Mais, au fond, et c’est ce qui séduit, ses films n’ont que l’apparence de cette réalité. Plus encore, la réalité y a peu d’importance, bien qu’étant là, et respectée. Elle sert de support à autre chose. A quoi ?
Des deux films, Lillian est sans doute le plus tenu. Apparemment, « officiellement », dirait-on presque, le film raconte la vie quotidienne, faite de tâches routinières et semée de multiples petits tracas, d’une femme noire d’une cinquantaine d’années nommée Lillian Folley qui, pour gagner sa vie et par goût, accueille dans sa maison de nulle part des vieillards grabataires et des enfants confiés par leurs parents. Elle élève aussi sa petite-fille, Nina, dont on fête le jour même l’anniversaire. A cette description des travaux et des jours de Lillian s’ajoute, en voix off, l’autoportrait de notre héroïne, qui nous conte sa vie, ses espoirs, ses peines et ses colères. Le personnage est attachant, le filmage respectueux, mais l’ensemble a un air de déjà-vu. Or le dispositif banal de Lillian vire progressivement. Il prend d’abord des allures de pièce de théâtre classique : unité de lieu (la maison), de temps (une journée), d’action (les parents de Nina seront-ils présents tous les deux pour son anniversaire ?) Croit-on l’avoir saisi que Lillian se métamorphose une nouvelle fois, devenant conte de fées : en haut de la maison vivent les enfants, en bas les vieillards, et Lillian, l' »assistante de vie », l’aide-ménagère, devient fée, seul lien autorisé entre les deux (et)âges… Et quand meurt (hors-champ) l’une des vieilles pensionnaires, l’identité de Lillian se confirme tout en gardant de son mystère : elle est un passeur. Quatre ans plus tard, dans Thirteen, Nina est devenue une grande godiche, un cliché. Autre métamorphose, bien plus troublante, elle n’est plus la petite-fille de Lillian, mais sa fille. Un jour, elle fugue, ou plutôt se déconnecte de la réalité. Elle erre quelques jours dans la forêt, s’endort dans une maison dont les habitants sont absents. De retour chez Lillian, Boucle d’or n’est plus la même : elle est passée, elle aussi, d’un étage à l’autre.
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