D’une crudité et d’une cruauté sans équivalent dans son cinéma, Maris et femmes est le Woody Allen le moins commode. Sa caméra désorientée court dans tous les sens pour faire oublier l’impensable : elle n’aime plus Mia Farrow.
Woody Allen ferait toujours le même film ? Allons donc : il suffit de regarder pour voir qu’ici, c’est différent. La caméra à l’épaule, les zooms intempestifs du chef op’ Carlo di Palma, on n’a jamais vu ça chez lui. Et à quoi ça sert ? À montrer la déstabilisation de ce groupe d’intellectuels juifs new-yorkais sûrs de leur statut professionnel, social, et même sentimental.
Gabe et Judy (Allen et Farrow) viennent d’apprendre que leurs meilleurs amis, un autre couple (Sydney Pollack et Judy Davis, tous deux excellents) se séparent. Coup de tonnerre. D’autant que de son côté, Gabe n’est pas insensible au charme et aux démonstrations d’admiration de sa jeune étudiante, Rain (Juliette Lewis). Au début, on rit. Parce qu’Allen nous sert mécaniquement des gags, et que mécaniquement, on a pris l’habitude de se marrer dès qu’on le voit apparaître sur fond de Manhattan et de jazz. Mais assez vite, le rire se fige. On voit un autre changement provoquant le malaise.
Mia Farrow, qu’Allen avait jusqu’ici filmée comme personne, de la fleur lumineuse de Comédie érotique d’une nuit d’été à la libellule diaphane d’Alice, est devenue une masse informe, au visage plat et livide, un monstre. Cette révélation est d’une impudeur totale. On voudrait ne pas penser aux gros titres des tabloïds, oublier la réalité (c’était leur dernier film ensemble, ils allaient se séparer juste après le tournage), mais elle s’impose à nous plein cadre. C’est d’une cruauté absolue. Mais d’une vérité sans fard.
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Maris et Femmes de Woody Allen, avec lui-même, Mia Farrow, Judy Davis (1992, Etats-Unis, 105 min)
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