Où Pascal Bouaziz met en scène, avec un bouleversant panache, le sacrifice de son groupe essentiel. Le musicien français, pour qui l’ironie compte autant que la beauté, se confie sur cette fin de partie.
Où Pascal Bouaziz met en scène, avec un bouleversant panache, le sacrifice de son groupe essentiel. Le musicien français, pour qui l’ironie compte autant que la beauté, se confie sur cette fin de partie.
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“On m’a fait remarquer que c’était pas la première fois que je faisais le coup”, précise Pascal Bouaziz au moment de parler de la mise à mort de Mendelson, cette “forme vivante qui devenait lourde à porter, qu’il fallait débrancher”. Alors pour rendre la chose définitive, son leader a gravé son point final. Le septième LP de son groupe sera donc Le Dernier Album, et c’est “aussi net qu’une claque”, dit-il.
Une claque en effet que cet ultime enregistrement, un quart de siècle après les débuts fomentés avec Olivier Féjoz à qui est adressé une grande part du beau générique de fin de ce disque concis et foudroyant. Dès leurs débuts, Pascal Bouaziz avait “en tête de devenir les Beatles, de bouffer le monde sans déconner”, se remémore-t-il en se retournant sur l’œuvre désormais achevée. “Et, comme eux, avec Abbey Road, je n’avais pas envie de rater notre dernier épisode.”
Qu’il se rassure, son Dernier Album est exceptionnel, le genre de disque pour lequel on invoquera fatalement L’Imprudence de Bashung pour en saisir hauteur et beauté. Mais aussi les plus impressionnantes chansons de Mendelson, comme ce 1983 (Barbara), sommet de 2007, dont on retrouve ici la forme en fleuve mémoriel dans Algérie, pièce de résistance du disque, ballottée entre colère et apaisement, récit national douloureux et roman intime.
S’y rejoignent l’histoire et la poésie : “Les poètes sont des exilés, même quand ils restent chez eux car ils inventent un langage”, explique celui qui aurait “bien aimé avoir un autre pays, un peu plus élégant et cultivé.” Si dans cette bouleversante fresque politique et impudique, Bouaziz évoque “l’infini” de la musique orientale, il nous expliquera au fil de la discussion que les chansons sont quant à elles “des mondes éternels qui n’en finissent pas : La Maison près de la fontaine de Nino Ferrer est encapsulée dans ce moment de nostalgie, c’est une carte postale, un instant arrêté.”
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Une réconciliation
Certes, “on ne peut pas danser la chenille sur Mendelson – ça, c’est le génie de Katerine”, mais le groupe ne s’interdit pas l’humour et l’autodérision. “L’ironie, le second degré, c’est tellement naturel que j’ai même l’impression que ça nous a joué des tours, poursuit Pascal Bouaziz, là il y a une exagération évidente, un pied de nez, mais aussi l’idée de se dire que c’était quand même quelque chose… Nous avons été suffisamment modestes.”
Une modestie qu’il reproche parfois aux critiques : “J’aurais bien aimé que la mauvaise foi soit un peu de notre côté, qu’on en fasse des tonnes comme avec les petits groupes à la con.” La fierté chez Mendelson n’a rien de déplacé ; pour s’en convaincre on lira l’intégrale des textes que Médiapop Éditions publie en parallèle. “Même le livre c’est un peu un tombeau.”
Au cœur des paroles de cet ultime album, il y a peut-être, intuitivement, le lien secret qui unit les thèmes d’Algérie à celui de la fin du groupe, et qui affleure dans Héritage. À propos de ce titre, et de ce secret, Pascal se livre comme rarement : “Pour solde de tout compte, il y a la réponse à cette question pour laquelle j’ai botté en touche éternellement, ‘Pourquoi Mendelson ?’ C’était probablement – mais pas consciemment – une manière d’associer ce nom juif ashkénaze à mon nom Bouaziz, séfarade, comme une réconciliation, une revendication, mais très trouble.”
On comprend, mais quiconque a un jour écouté Mendelson le savait déjà : l’auteur se tient à des lieues et des lieues de “ce monde de supermarché, ce monde de la ritournelle impudique ou débile” dans lequel pourtant il aime constater que comme lui “il y a des gens qui essaient de faire de la beauté et qui y arrivent, et ils ne sont pas fêtés à leur juste valeur”.
Alors Les Chanteurs célèbre “un compagnonnage” sous sa mélodie élégiaque, et ce sourire grave et tranchant que Bouaziz partage avec Leonard Cohen. La figure de l’immense poète canadien hante d’ailleurs plusieurs des textes de ce disque – “il ressemblait vraiment très fort à mon grand-père, c’est une filiation revendiquée”. Pascal sort bientôt un ouvrage sur “ce grand punk méchant et drôle”, avant de prendre la route une dernière fois avec Mendelson.
“La dernière date de la dernière tournée où je chanterai pour la dernière fois la dernière chanson, il y aura probablement un petit pincement.” C’est déjà bien plus qu’un pincement qui nous étreint, en écoutant ce Dernier Album, “enregistré live et dans l’ordre, avec la note finale comme dernière pelletée de terre.” Pour conclure un grand disque qui nous rappelle, ô combien, que Mendelson c’était quand même quelque chose.
Le Dernier Album (Ici D’Ailleurs…/L’Autre Distribution). Sortie le 15 octobre.
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