Un album qui fixe l’ambition d’un rappeur nostalgique et rêveur tout en annonçant l’émergence d’un artiste populaire.
C’est une certitude : le temps finit par distinguer les héros·oïnes, par récompenser celles et ceux qui, dans l’ombre, peaufinent leur art, l’envisagent avec sérieux et dans le respect d’une musique dont ils et elles refusent de répéter les codes. “Le principe de Nuages pourrait se résumer à travers cette connexion intime qui existe entre ma guitare et moi”, explique Sopico, bien conscient des nombreux changements qui ont rythmé sa vie ces dernières années. Il y a eu le départ de la 75e Session et la sortie de deux projets qui l’inscrivaient dans une tradition d’artistes autonomes, contrôlant leur image tout en suivant leur propre direction musicale (YË et Ëpisode 0).
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Il y a eu aussi la rencontre avec Yodelice, qui le signe sur son label (Spookland) et l’encourage à délaisser les beats. “C’est vraiment un album de chanteur-guitariste, détaille-t-il, l’air convaincu. Le rap reste très présent, mais j’avais envie de me mettre à poil sur Nuages, d’encourager l’expression émotionnelle plutôt que d’opter pour de grands mouvements techniques.”
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Mantra
Nuages, on le comprend alors, est l’album d’un artiste qui se fiche de la dictature du stream (“J’essaye de ne pas compter qui vend le plus”), qui a pris son temps, histoire de ne pas froisser ses couplets, qui “repense aux faiblesses du passé” et qui a réussi l’exploit de synthétiser une centaine de démos (et donc d’intentions, d’idées, de fausses pistes) en treize morceaux, essentiellement acoustiques, référencés (au Wu-Tang, à Nirvana, à Eric Clapton) et pourtant uniques, nostalgiques et néanmoins optimistes. “Pourquoi tu fais cette tête si tout va bien ?” sonne ainsi comme un rappel, le mantra d’un homme refusant obstinément d’abdiquer face à la morosité stagnante.
Si certaines chansons accueillent volontiers quelques tourments, quitte à les dissimuler derrière des mélodies sifflotées (Passage) ou de belles harmonies de voix, toutes ces aspirations déçues et ces rimes qu’il envisage comme des “extraits de mood” en disent surtout long sur Sopico, inadapté, méticuleux et rêveur jusqu’au danger – le clip de Slide en atteste avec brio. Sur ce titre, à la guitare lourde, presque martiale, Sopico s’interroge inlassablement : “Tu vois c’que j’veux dire ?” Un souci de clarté étonnant quand on sait que son propos n’avait jusqu’alors jamais paru aussi lisible.
Nuages (Spookland/Polydor/Universal). Sortie le 15 octobre.
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