Mis en scène par Blandine Savetier et Waddah Saab, “Nous entrerons dans la carrière” offre une adaptation décevante de “Siècle des Lumières” d’Alejo Carpentier.
Sur le papier, il y avait de quoi présager un projet engageant. Et, d’ailleurs, le contrat est souvent tenu. Tirée du roman Le Siècle des Lumières de l’auteur cubain Alejo Carpentier, chantre du réalisme merveilleux latino-américain, abritant les tribulations d’une fratrie de Havanais·es prise dans le tourbillon de la Révolution française, entre les Antilles, la Guadeloupe et la Guyane, l’histoire est passionnante.
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La distribution de la pièce est jeune et prometteuse : onze comédien·nes fraîchement sorti·es d’école – ou toujours en formation –, issu·es de la “diversité”, dont la moyenne d’âge n’excède pas 25 ans. Ils et elles sont tous et toutes excellent·es. Le livret annonce une réflexion inspirée de leur part sur l’héritage de la Révolution française et la question de l’engagement politique à l’heure de l’abstention massive et de la banalisation des discours xénophobes. Et pourtant, malgré ces qualités, Nous entrerons dans la carrière de Blandine Savetier est une déception à la hauteur de ses promesses.
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La faute à une adaptation ratée. Le roman d’Alejo Carpentier est long, foisonnant, porté par un souffle épique impressionnant. Pour le mettre en scène, il aurait fallu couper, résumer et resserrer l’intrigue autour des protagonistes – n’est pas Julien Gosselin qui veut. La pièce dure 3 h 30, elle aurait dû en faire moitié moins. Blandine Savetier et son dramaturge Waddah Saab se sont mis·es en tête de mêler à une histoire déjà riche et complexe, le récit de la vie de Jean-Baptiste Belley, premier député noir français, représentant un département de la colonie de Saint-Domingue, avec, en plus, une multitude de discours de la Convention nationale et de témoignages de l’époque.
Vitalité
Mais les greffes ne prennent pas, la narration est sens dessus dessous, les personnages se perdent (et disparaissent même pendant presque la moitié du spectacle) et les harangues politiques enflammées (lors des scènes qui se déroulent à Paris) sont trop souvent redondantes et éprouvantes – n’est pas Joël Pommerat qui veut.
Et pourtant, étrangement, on ne s’ennuie pas… C’est dire l’envie de théâtre et la vitalité qui animent ces onze jeunes comédien·nes. Il faut les voir danser, chanter, déclamer leur texte et arpenter le plateau avec une joie contagieuse. Blandine Savetier aura eu le mérite de souder cette belle troupe. Espérons la revoir rapidement, sous d’autres projecteurs et dans de nouveaux costumes.
Nous entrerons dans la carrière d’après Le Siècle des Lumières d’Alejo Carpentier, adaptation et mise en scène Blandine Savetier et Waddah Saab, avec Saïd Ghanem, Pauline Haudepin, Neil-Adam Mohammedi, Mélody Pini, Souleymane Sylla, Claire Toubin, Sefa Yeboah… Jusqu’au 9 octobre, Théâtre national de Strasbourg.
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