Les moteurs de recherche font-ils du tort aux films d’espionnage?

C’est un gag de Mon beau-père et nous. L’intrusif beau-père (Robert De Niro) se mêle de surveiller la supposée vie adultérine de son gendre (Ben Stiller) et enquête sur une de ses collègues de travail (peut-être sa maîtresse). Ancien de la CIA, il téléphone à ses ex-employeurs pour obtenir une fiche sur la suspecte. Son jeune interlocuteur refuse. Non, désolé, un agent retraité ne peut en aucun cas utiliser à des fins privées l’infrastructure de la CIA.

            {"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
          

Il clôt néanmoins la conversation par un conseil : « Mais utilisez plutôt Google. » De fait, sur Google, le vieux grognard en apprend plus qu’il n’en attendait sur cette bombasse qui tourne autour de son gendre. A l’ère où le narcissisme contemporain fait sauter tous les verrous de l’intimité, c’est le vieux scénario de l’espionnage qui se trouve périmé.

De ce monde désormais sans cachettes, un autre film a tiré en 2010 un parti absolument magnifique : The Ghost Writer de Roman Polanski. Certains ont pu railler comme une énorme facilité de scénario ou une grossière invraisemblance la façon dont l’enquêteur (Ewan McGregor) trouve sur le net toutes les pièces à conviction qu’il cherchait pour confondre l’ancien ministre.

De façon au contraire très judicieuse, The Ghost Writer anticipe un monde post-WikiLeaks où aucun secret d’Etat n’échapperait à la toile. Mais il n’est pas certain, cette fois, que l’ère de la transparence sonne le glas du thriller paranoïaque. Elle en constitue même un levier supplémentaire. Le secret du film, dissipable en quelques clics, est comme la lettre volée d’Edgar Poe. Bien que placé en évidence, totalement libre d’accès, personne ne le voit, ne songe à le regarder. Sa visibilité est même la plus habile des cachettes.