La découverte du sexe par une adolescente, réussite majeure de Catherine Breillat servie par des dialogues et des acteurs d’une grande justesse.
LE FILM : Malgré des variations d’une oeuvre à l’autre, Catherine Breillat réalise souvent le même film : une relecture fictionnée de son adolescence et de sa découverte du sexe, assaisonnée de quelques références à L’Empire des sens d’Oshima, son film de chevet. 36 fillette est l’une de ses réussites majeures, à placer entre Une vraie jeune fille et A ma sœur. Le film chronique l’ennui abyssal d’une adolescente de 14 ans pendant un séjour estival en famille au camping de Biarritz, et ses atermoiements entre désir et crainte d’une première expérience sexuelle avec un don juan local, homme déjà quadragénaire. Breillat déploie ses motifs favoris : la fierté rageuse d’une jeune fille qui entend ne pas s’en laisser compter, ni par ses parents, ni par les hommes, combinée à la descente de son piédestal dominant d’une certaine masculinité arrogante. Comme souvent chez Breillat, l’or de son cinéma se niche dans des dialogues à la fois justes et crus, et dans l’intensité de ses acteurs. Outre une apparition de Jean-Pierre Léaud égal à lui-même, c’est-à-dire génial, Etienne Chicot est remarquable dans l’expression d’une trajectoire qui le fait déchoir du statut de roi de la drague à celui d’un homme vaincu, abîmé, mené par une gamine de 14 ans. Mais le diamant du casting est Delphine Zentout (que l’on n’a malheureusement jamais revue), une sorte de mini-Béatrice Dalle explosive, moitié gamine moitié bombe d’hormones, qui ressemble sûrement aussi un peu à Breillat au même âge. Son visage passant de la fierté à l’enfance, son corps de déjà-femme et pas encore tout à fait femme, ses moues boudeuses, ses éclats de rage, son aplomb constituent à eux seuls tout un spectacle et une incarnation emblématique de l’adolescence. Et puis il y a le plan de son visage après la fellation, remake du fameux plan de L’Empire des sens qui constitue une sorte de scène originelle pour Breillat : pendant une scène de sexe, si l’on veut véhiculer un peu de métaphysique et pas seulement de la mécanique, ce ne sont pas les sexes qu’il importe de filmer mais les visages. Au-delà de son exploration de la défloration d’une jeune fille, 36 fillette est aussi un film très précis sur la France ordinaire des campings, des classes moyennes en congés payés, des boîtes de nuit provinciales et des zones urbaines incertaines entre centre et périphérie, ville et campagne.
LE DVD : Outre une belle qualité technique de la copie, on trouvera ici un court making-of du film où Catherine Breillat parle de son rapport possessif, brutal et franc du collier avec les acteurs. “Je ne veux surtout pas les rassurer”, dit-elle. En retour, Etienne Chicot évoque un tournage difficile (si Breillat avait été un homme, il lui aurait “mis son poing dans la gueule”) tout en ayant conscience de participer à un film artistiquement exigeant et en reconnaissant que ce qui compte, c’est ce qu’il y a sur l’écran.
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