Primaires au PS, changement de tête au FN, élections cantonales et sénatoriales : on s’échauffe avant 2012. Côté réformes, la dépendance risque de faire des vagues.
Année de toutes les galères, 2010 aura probablement été la pire pour Nicolas Sarkozy depuis la défaite d’Edouard Balladur en 1995. Il évite de justesse le redoublement grâce à l’adoption de la réforme des retraites. En 2011, il lui faudra un autre discours, d’autres promesses, faire naître d’autres espoirs et arriver à rendre le tout crédible en vue de 2012. En matière de réformes, 2011 sera forcément plus consensuelle. Peu probable que la réforme de la dépendance déclenche le même niveau de mobilisation que celle des retraites. Revue non exhaustive des dossiers 2011.
Le FN à la fête
Le 15 janvier, le XIVe congrès du FN doit déterminer qui, de Marine Le Pen (42 ans) ou de Bruno Gollnisch (60 ans), prendra la succession de Jean-Marie Le Pen. Marine Le Pen a de fortes chances de l’emporter, mais ce ne sera pas une victoire écrasante. Sur la forme, tout les oppose. Marine Le Pen veut élargir l’audience du FN en le dédiabolisant et en masquant sa xénophobie derrière le masque de la laïcité. Bruno Gollnisch veut renforcer le fonds de commerce habituel, facho à l’ancienne du FN de papa. Jeune, à deux doigts de remporter la mairie de Hénin-Beaumont, la fille du chef est la star des médias et des sympathisants.
Au-delà de l’image moderne contre ancien, les fondamentaux des deux postulants sont les mêmes : préférence nationale, discours anti-immigrés. A 82 ans, Le Pen père n’a d‘ailleurs pas complètement l’intention de laisser la place. Il va rester président de Cotelec, le microparti qui reçoit les dons. Le nerf de la guerre. Mais d’ici là, l’élection interne pourrait être contestée par le camp perdant, quel qu’il soit. Le nombre de militants inscrits pouvant voter varie, selon les sources, entre 22 000 et 30 000.
G8, G20 et Air Force Sarko
2011 commence à toute blinde pour Sarko à l‘international : histoire de se refaire une santé de présidentiable (ou d’enfiler enfin le costume de la fonction) et de roder son tout nouveau Air Force One. Hier, petit saut à Washington pour rencontrer Obama. Le 24 janvier, conférence de presse à l’Elysée pour dévoiler les priorités du G8 et du G20, présidés par la France. Cette double présidence devrait le placer au coeur du jeu international pour un an, à l’image de ce qui s’était passé en 2008 avec la présidence de l’Union européenne et ses beaux discours sur la moralisation du système financier.
La France a annoncé trois chantiers : la réforme du système monétaire international, celle de la gouvernance mondiale, et la lutte contre la volatilité des prix des matières premières. Le 27, Sarko se rend au forum de Davos pour prononcer un discours devant les dirigeants de ce monde. Hop, hop ! il se rendra dans la foulée en Ethiopie au sommet de l‘Union africaine. Un rendez-vous ajouté à son agenda après les événements en Côte d’Ivoire.
Les élections cantonales : dernier tour de chauffe avant 2012
Après la bûche et la galette des rois, première réjouissance électorale de l’année : les élections cantonales des 20 et 27 mars, dernier test électoral avant 2012 (hormis les sénatoriales). Sur le papier, rien de très sexy et pourtant le scrutin comporte plusieurs enjeux. Ce sont les dernières élections cantonales (qui élisent les conseillers généraux aux manettes des départements) avant la réforme territoriale de 2014. Une réforme que le PS a promis d’abroger en cas de victoire en 2012. Adoptée le 17 novembre, elle fusionne les conseillers généraux et régionaux en un nouveau conseiller unique : le conseiller territorial, qui doit siéger dans les deux assemblées. Ses détracteurs voient là une étape vers la suppression des départements et une façon de casser l’assise locale des socialistes : 20 des 22 régions et 58 départements.
Dernières élections au suffrage universel avec 2012, les cantonales vont faire office de sondage grandeur nature. Martine Aubry veut en faire la répétition générale avant 2012. Dès la mi-janvier, elle a prévu une quinzaine de déplacements en deux mois. Une claque UMP mettrait Nicolas Sarkozy dans une position délicate pour entamer la campagne. Certains jouent gros : s’il perdait la présidence du conseil général de Corrèze, François Hollande serait affaibli pour la primaire socialiste.
Les élections sénatoriales
Prévu pour septembre, ce scrutin concerne la moitié des sénateurs, soit 170 sièges. Pour la première fois de l’histoire de la Ve République, la majorité du Sénat pourrait basculer à gauche, si elle pique 22 sièges à la droite et au centre. Dès lors, Gérard Larcher se verrait rafler la présidence et le socialiste Jean-Pierre Bel aurait toutes les chances de lui succéder. Les deux “candidats” soignent aux petits oignons les élus : déplacements en outre-mer, visites de terrain, réceptions… Rien n’est laissé au hasard pour une élection qui pourrait se jouer à quelques sièges près. Les sénateurs sont élus en majorité par les délégués des conseils municipaux. La victoire de la gauche aux municipales de 2008 augmente mécaniquement son poids dans le collège électoral.
Les primaires
La saga prend fin en 2011. Dans quelques mois, on saura enfin qui sera le candidat PS pour la présidentielle. En janvier, un bureau national fixera le calendrier de la primaire, en principe entre le 15 octobre et le 15 novembre. Le dépôt des candidatures ouvre en juin et doit se clôre en juillet…
A ce jour, cinq socialistes ont officiellement annoncé leur intention de partir en campagne : Manuel Valls, Arnaud Montebourg, Ségolène Royal, Daniel Scornet (ex-président des Mutuelles de France) et Christian Pierret (maire de Saint-Dié-des-Vosges). Quid de Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry – la première secrétaire a laissé entendre qu’ils n’iraient pas l’un contre l‘autre –, François Hollande, Gérard Collomb, Jean-Louis Bianco ? DSK veut attendre le début de l’été pour se prononcer. Léger flottement…
Pour ces primaires, le pari est de dépasser le million de votants. En dessous, c’est le bide. Encore faut-il éviter que le scrutin ne tourne à la foire d’empoigne entre “camarades”. La charte éthique de bonne conduite sera-t-elle suffi sante ? Le spectre du congrès de Reims – où Aubry et Royal s‘étaient étripées, s’accusant mutuellement de fraudes – est dans les mémoires. L’université d’été risque d‘être chaude : certains socialistes songent déjà à l‘annuler. Le PS entame donc l‘année sans leader politique incontesté mais, et ce n’est pas la moindre des choses, la gauche s’est trouvée une figure morale tutélaire en la personne de Stéphane Hessel dont le petit livre Indignez-vous ! fait un tabac (plus de 500 000 exemplaires vendus).
La dépendance : dernière grosse réforme
Cette réforme est une promesse de campagne de Nicolas Sarkozy. Il s’agit de remettre à plat le financement de la prise en charge des personnes âgées dépendantes. Un grand débat aura lieu au cours du premier semestre et les premières mesures seront prises à l’automne dans le doit adresser les lettres de mission aux quatre groupes chargés de réfléchir à cette réforme.
Problème : alors que le Premier ministre veut contenir les dépenses, Sarkozy veut en faire la grosse dernière réforme avant la présidentielle. Une réforme qui va coûter un bras. Début 2000, les personnes âgées dépendantes étaient environ 700 000. Elles devraient dépasser 1,6 million en 2040. L’aide personnalisée d’autonomie (APA) est à l’heure actuelle la principale source de financement. La Sécurité sociale – pour la partie soins –, les départements et les familles se partagent aujourd’hui la facture. Les besoins sont évalués à 30 milliards d’euros. Parmi les pistes : la création d’un cinquième risque au sein de la Sécurité sociale, aux côtés de la maladie, des accidents du travail, de la famille et de la vieillesse ; souscrire une assurance “contre la perte d‘autonomie” auprès d’un organisme privé, labellisé par les pouvoirs publics. Selon le PS, “il s’agit, une fois encore, de privatiser les profits et de mutualiser les coûts”.
Anne Laffeter & Marion Mourgue