Un Daniel Auteuil naïf et déphasé se laisse entraîner par amour dans une folle spirale. Sautet passe insensiblement du rire au malaise profond.
Martial Pasquier, l’héritier d’une chaîne de supermarchés en tournée d’inspection, s’éprend de Francine, la bonne d’un directeur d’une succursale de Limoges. « Boy meets girl et lutte des classes », pourrait être l’un des résumés lapidaires de la situation que présente ce film. Déployant une vision du monde assez vieillotte, il dégage en même temps une inquiétante étrangeté, qui a tôt fait de métamorphoser cette apparente chronique ordinaire de la vie provinciale en objet hautement insolite, constituant sans doute ce que Claude Sautet a tourné de plus barré. Claude Chabrol est coiffé au poteau avec cette vision absolument dissonante d’un panier de crabes provincial, auquel des acteurs comme Jean-Pierre Marielle et Dominique Lavanant apportent une dimension souterrainement loufoque. Plus que le constat « sociétal », le véritable cœur névralgique du film (et du scénario, adapté du livre de Jean-François Josselin) est ce personnage incarné par un Daniel Auteuil (Pasquier) encore plus naïf et déphasé qu’il peut l’être d’habitude, se laissant entraîner dans une folle spirale en raison d’un amour aussi soudain que déraisonnable. Ne serait-ce que pour la prestation de l’acteur (et de Sandrine Bonnaire, alias Francine), pour les volte-face et la totale irrationalité du héros, ce film vaut le détour. A quoi il faudrait ajouter la manière globale dont Sautet passe insensiblement du rire au malaise profond. Du grand art, qu’on vous dit…
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