Avec la confirmation Malik Djoudi, l’enchantement de Joakim, les folies baroques de Caleb Landry Jones, les protest-songs de The Specials et les ballades méta de Sufjan Stevens et Angelo de Augustine.
Rentrés de plain pied dans l’automne, les artistes sortent de leur torpeur estivale.
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Avec le nouvel album ambitieux de Malik Djoudi, les expérimentations field-recording de Joakim, la première partie du grand-œuvre de l’acteur-compositeur Caleb Landry Jones, la replongée des Specials dans l’histoire de la protest song et la nouvelle collection de morceaux hyper référencés de Sufjan Stevens & Angelo de Augustine, il y en aura pour tout le monde.
Malik Djoudi – Troie (Cinq7/Wagram)
Fidèle à la sensibilité magnétique portée par sa voix haut perchée et désormais reconnaissable entre mille, Malik Djoudi réussit à marier toutes ses références musicales, comme en témoignent les duos partagés avec Lala &ce (l’entêtant single Point sensible), Isabelle Adjani (Quelques mots, à vous filer la chair de poule) et Philippe Katerine (le tube improbable Éric). “Où tu es ? Qui es-tu ?”, interroge d’emblée Malik Djoudi, avant d’enchaîner avec un couplet qui en dit long sur son envie de rebondir à chaque album : “J’laisse tout en suspens/Mon impresario/S’occupe des démos.” Car plutôt que de se reposer sur ses lauriers (une nomination aux Victoires de la musique 2020, des collaborations à la pelle avec Daho, Philippe Zdar, Juliette Armanet, Izïa), il préfère le Danger et les Vertiges (tel Metronomy dans la langue de Christophe). C’est en changeant sa “recette électronique” pour une approche organique de sa musique que Malik Djoudi entrevoit un nouveau champ des possibles.
Par Franck Vergeade
>> Notre critique : Malik Djoudi est un chanteur magnétique : la preuve par “Troie”
Joakim – Second Nature (Tugersuhi/Bigwax)
Dès le premier confinement au printemps 2020, Joakim s’est attelé à la réalisation de l’album en prenant comme source matricielle une vaste bibliothèque de sons de nature (cris d’animaux, bruits d’orage ou autres) accumulés au fil des ans – des sons captés par lui-même, dénichés sur Internet ou glanés dans son imposante collection de disques. La tentative se révèle ô combien fructueuse. Riche de seize morceaux, pour une durée totale de plus de 80 minutes, Second Nature donne l’impression forcément euphorisante d’entendre apparaître un nouveau monde sonore, foisonnant et fascinant, dans lequel le chant des machines se mêle en harmonie totale avec celui des animaux. Impossible de fixer précisément ce territoire utopique oscillant si librement entre electronica, ambient, jazz, dub, musique concrète et post-Krautrock – un territoire véritablement inouï dont chaque nouvelle écoute, propice à d’autres découvertes, accentue le pouvoir d’enchantement.
Par Jérôme Provençal
>> Notre critique : “Second Nature”, le monde sonore foisonnant de Joakim
Caleb Landry Jones – Gadzooks Vol.1 (Sacred Bones/Modulor)
Plus concis et concentré que The Mother Stone, Gadzooks a été enregistré avant le Covid, alors que son prédécesseur était mixé dans une autre salle du studio. Ce n’est qu’au printemps dernier qu’il a pu retourner à Los Angeles pour mixer cette fois son dernier effort. Et comme il était trop long, son label Sacred Bones a décidé de le scinder en deux. D’où ce volume 1 qui regroupe neuf chansons, dont une dernière, épique, de plus de vingt minutes, intitulée This Won’t Come Back. Cette poignée de compositions baroques et barrées, expressionnistes en diable et psychédéliques à souhait, se tourne vers les légendaires seventies. Caleb Landry Jones cite ainsi Frank Zappa, Captain Beefheart, Syd Barrett, Skip Spence ou encore John Lennon, mais il omet son homonyme, David Jones, plus connu sous le patronyme Bowie, dont la trilogie berlinoise se rappelle à notre souvenir à l’écoute de quelques titres.
Par Jacky Goldberg
>> À lire aussi : Notre coup de fil nocturne avec Caleb Landry Jones, le plus insaisissable des lauréats cannois
The Specials – Protest Songs 1924-2012 (Virgin Records/Universal)
Comme son titre l’indique, ce nouvel album propose des chansons contestataires, composées entre 1924 et 2012. Alors que beaucoup tombent dans les pièges de la chanson engagée (raisonnements simplistes, paroles démagogiques), les Specials revisitent avec finesse et classe les luttes d’hier qui, hélas, restent d’actualité, des violences policières au racisme, en passant par la quête de liberté. Ils piochent dans un répertoire qui ne se résume pas au ska. La soul des Staple Singers (le rutilant Freedom Highway) ; le reggae de Bob Marley (Get Up, Stand Up, transformé en ballade acoustique) ; le folk ténébreux de Leonard Cohen ; le postpunk des Talking Heads ; des standards blues ou gospel ou encore le rock expérimental de Frank Zappa figurent au programme, unifiés par une production épurée et par un militantisme convaincant.
Par Noémie Lecoq
Sufjan Stevens & Angelo de Augustine – A Beginner’s Mind (Asthmatic Kitty/Modulor)
Avec vingt ans de carrière et une quinzaine de disques à son actif, que peut-il avoir encore à catalyser ? C’est bien l’interrogation qui traverse A Beginner’s Mind, enregistrement trompe-l’œil vendu comme une collection de morceaux inspirés par les films que regardaient chaque soir les musiciens en résidence dans leur chalet au nord de l’État de New York. Un concept d’album né presque accidentellement quand les songwriters se sont rendu compte combien la vision de ces œuvres influençait leur écriture et leur permettait de renouveler leurs contemplations existentielles. Si les sources sont parfois référencées de façon évidente – Back to Oz, (This Is) The Thing –, c’est en tant que supports de libre interprétation que les musiciens les mobilisent.
Par Briac Julliand
>> Notre critique : Sufjan Stevens et Angelo De Augustine en duo cinématique avec “A Beginner’s Mind”
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