Le dernier film de John Huston, une méditation sur l’impermanence légère comme un air de musique de chambre.
On a beau pirouetter, se pavaner à droite et à gauche et agiter ses semelles de vent autant qu’on voudra : arrive toujours le moment où on se réveille en sursaut la nuit, trempé, à se demander comment cette histoire finira, une fois qu’on sera passé de l’autre côté. Ah, s’il suffisait seulement de prendre un somnifère et de se rendormir…
C’est à l’article de la mort, sous perfusion, que John Huston met toute l’énergie qui lui reste pour adapter The Dead, la plus longue nouvelle
des Dubliners de James Joyce (célébré sur France Culture et Arte, lire ci-contre). L’auteur du Faucon maltais, peintre-boxeur, joueur-sculpteur, réalisateur foisonnant, bien rodé aux adaptations d’œuvres littéraires, avait songé dès 1956 à porter à l’écran cette nouvelle qu’il comparait à « un morceau de musique ». Avec une caméra légère comme un violon mélancolique, Huston en fait une méditation sur l’impermanence.
Au cours d’une sage veillée de fin d’année, corsetée de bonnes manières, on se souvient du temps passé. Huston filme quasiment en temps réel les conversations banales qui vont et viennent, les propos insignifiants qui circulent, se chevauchent et se perdent entre le fumet de l’oie rôtie et la flamme du puddding flambé. De la lecture d’un poème à un air de valse au piano, la veillée passe, la veillée est passée. La maison se vide. En conduisant obstinément sa caméra dans un travelling avant qui ne se s’arrête jamais, sur un air de piano à trois temps, John Huston traduit en images cette petite musique mélancolique de la maison qui s’endort après la fête. On ne pourra rien retenir, alors laissons filer. Le film passe, le film est passé, léger comme la petite musique du marchand de cigarettes.
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