Selon Lynch, la façade lisse et standardisée de l’Amérique moyenne recèle un monde pervers et décadent.
Dans une ville proprette, un jeune homme innocent trouve un déchet incongru, une oreille coupée, qui va l’entraîner dans une spirale violente, après qu’il eut fait la connaissance d’une chanteuse angoissée, victime d’un monstrueux gangster. « She wore blue veeeelvet », susurre d’entrée de jeu le crooner Bobby Vinton, dont le tube sirupeux de 1963 (arrangé par Burt Bacharach) donne non seulement son titre mais son ton à ce film comparable à une pomme d’amour : sucré à l’extérieur et acide à l’intérieur. Ce chef-d’œuvre du cinéaste (avec Eraserhead, Lost Highway et Mulholland Drive) va être décliné à l’envi dans la plupart de ses films suivants, et en particulier dans son célèbre feuilleton Twin Peaks. Pour David Lynch, pur produit du puritanisme américain, qui s’est inspiré de ses souvenirs d’enfance idylliques à la Norman Rockwell pour décrire la petite ville où se déroule l’histoire, la façade lisse et standardisée de l’Amérique moyenne recèle un monde pervers et décadent. Une fois posé le cadre, une fois définis ses personnages principaux, un couple de gentils tourtereaux, une chanteuse mystérieuse, Lynch distord la réalité à la manière de Francis Bacon, plongeant le tout dans l’enfer, avec des antihéros aussi expressionnistes que celui qu’incarne Dennis Hopper avec une conviction peu étonnante, eu égard à ses états de service, et des apparitions poétiques comme celle du maquereau efféminé, Ben (Dean Stockwell), chantant en play-back une ballade de Roy Orbison. David Lynch, un grand baroque américain.
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