Dès le 17 octobre, la série de Jesse Amstrong reprend ses quartiers sur OCS. Mais que va-t-il rester de son regard ethnologique sur le pouvoir de l’argent et les inégalités contemporaines ?
À l’heure où nous écrivons ces lignes, HBO continue de garder le silence sur les nouveaux épisodes de Succession, qui arrivent pourtant sur les écrans le 17 octobre. Une stratégie de la minauderie à la hauteur de l’amour fou porté par des millions de fans à cette saga autour de la richissime et puissante famille Roy, un empire médiatique américain qu’il est désormais inutile de présenter.
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Dans une époque où l’attention se morcèle, un événement de cette taille est devenu rare. Il faut dire que la série a su se faire attendre, Covid oblige, puisque le tournage de sa troisième saison, qui devait débuter en avril 2020, a été bloqué durant plusieurs mois.
L’un des seconds rôles, l’acteur Mark Blum (Bill Lockhart dans la série) est décédé des suites de la maladie. Le showrunner a décidé de ne pas inclure la pandémie dans les scénarios, pour conserver cette idée que la clique Roy vit en dehors des réalités du monde – qu’elle voudrait pourtant contrôler.
“Crime et Châtiment”, livre de chevet des scénaristes
Bien que tournée en majorité à New York, la série est écrite par une dizaine de personnes à Londres, lieu d’élection du créateur Jesse Armstrong, 50 ans. Un ancien de la fac de Manchester et de la comédie politique The Thick of It, paraît-il aussi sympathique et affable que les créatures qu’il façonne sont féroces.
Armstrong donne en général quelques devoirs de vacances à ses scénaristes : feuilleter le quotidien économique Financial Times tous les jours, se familiariser en profondeur avec Crime et Châtiment – un genre de bible pour Succession – et en connaître un rayon sur l’histoire de Rome.
On sait avec certitude, grâce à un passionnant article du New Yorker publié à la fin du moins d’août, que la troisième saison reprend quelques minutes fictionnelles après la fin de la précédente – même si nous sommes concrètement deux ans plus tard…
Kendall Roy, l’un des fils du patriarche Logan, le plus maltraité depuis deux saisons, vient de trahir son père publiquement en dénonçant ses pratiques corrompues en direct à la télé. Le reste de la famille, en goguette sur un yatch en Méditerranée au moment de l’esclandre, va réfléchir à une stratégie de reconquête depuis la Toscane. Le boss décide qu’une partie de la tribu restera en Europe et que l’autre voyagera vers une destination pour l’instant inconnue. Pas mal d’avions sont impliqués – empreinte carbone : affreuse.
Une entropie saississante
Ce qui fascine dans Succession, c’est que l’on sait déjà que les décisions prises dans les premières minutes du nouvel épisode seront balayées très vite, après un flot de paroles ininterrompu, d’insultes et de réprimandes. Car la vie de ces personnages ressemble à une essoreuse sans autre issue qu’une forme de course vers l’avant.
Cette entropie est saisissante car, au-delà des thèmes déployés – un regard ethnologique sur le pouvoir de l’argent et les inégalités contemporaines –, une telle perception du monde s’accorde à nos vies pressées, essorées, adaptables à l’envi, sans pause de crainte de rater les trains en marche. Succession est une grande série sur nos aliénations et nous sommes prêt·es à l’aimer de nouveau.
Succession saison 3 de Jesse Armstrong avec Brian Cox, Jeremy Strong, Kieran Culkin. Sur OCS, à partir du 17 octobre.
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