Trop pop Jesu ? Il faudrait que les fans songent à réviser leur définition du terme, car Conqueror, nouvel album de ce groupe anglais qui allie metal, noise et shoegazing, n’a rien d’une collection de chansons à fredonner légèrement. Jesu est l’ambitieux projet de Justin K. Broadrick, vétéran discret de la scène anglaise, qui a […]
Trop pop Jesu ? Il faudrait que les fans songent à réviser leur définition du terme, car Conqueror, nouvel album de ce groupe anglais qui allie metal, noise et shoegazing, n’a rien d’une collection de chansons à fredonner légèrement. Jesu est l’ambitieux projet de Justin K. Broadrick, vétéran discret de la scène anglaise, qui a fait partie d’une poignée de formations cultes opérant dès les années 80 : Napalm Death, Godflesh, Techno Animal. Des groupes à mi-chemin entre la musique industrielle et le metal (pour les deux premiers) ou le rap et la techno (pour le dernier).
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Sur ce nouvel album, il affine davantage encore sa formule qui égrène des atmosphères mélancoliques et alanguies portées par des murs de guitares stratifiées, une rythmique sourde qui ancre la musique dans un limon organique toujours aux limites du friable. Conqueror évoque la période musicale de la fin des années 80 et du début des années 90, durant laquelle quelques groupes ont tenté de créer un son aux limites de l’abstraction et du bruit, mais reposant toujours sur l’écriture de chansons.
On songe ici beaucoup à un My Bloody Valentine rajeuni : la musique a un effet de dérive psychotrope sur celui qui s’y plonge pleinement, dû tout à la fois aux entêtantes mélodies et au temps accordé aux morceaux, qui se développent sur de longues durées, pénétrant ainsi plus profondément la conscience de l’auditeur, comme par hypnotisme. Broadrick tente de reproduire dans une structure plutôt rock les leçons apprises de la techno, du reggae et du dub.
Surtout, Broadrick chante comme s’il égrenait à chaque fois sa dernière phrase, son dernier mot. Hantées, ses paroles et son chant construisent la confession intime de quelqu’un qui, à 37 ans, parvient à exprimer son art avec une justesse et une précision renouvelées, notamment sur un morceau comme Weightless and Horizontal, qui organise un étonnant dérèglement des sens. Plus directe que dans le passé, la musique de Broadrick se dévoile désormais comme un long soupir hanté, constitué de ritournelles fragmentées, de sonorités enveloppantes. Sa rémanence et sa réverbération intimes habitent les oreilles longtemps après la fin du disque.
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