Paris, Texas. Il s’appelle Hunter. Ce petit chasseur-là hante nos désirs au sortir de l’adolescence : 1984. Il incarne aussi le mystère de nos origines, ange blond et contemporain dans le bleuté incertain au-dessus de Los Angeles. Hunter a deux mères, soeurs d’Europe parties aux Amériques. L’une est une fêlure, elle a la grâce d’un […]
Paris, Texas. Il s’appelle Hunter. Ce petit chasseur-là hante nos désirs au sortir de l’adolescence : 1984. Il incarne aussi le mystère de nos origines, ange blond et contemporain dans le bleuté incertain au-dessus de Los Angeles.
Hunter a deux mères, soeurs d’Europe parties aux Amériques. L’une est une fêlure, elle a la grâce d’un mouvement déjà disparu de danseuse virtuose et une voix de violon bruissant dans la nuit, elle frémit avec l’accent français. Elle s’appelle Aurore et tremble de ne pas avoir donné naissance à l’enfant. L’autre a gardé de l’Allemagne des stridences fassbindériennes. Elle s’engouffre dans une voiture rouge, affronte chancelante les vertiges romanesques du passé, sa bouche immense ouverte sur le vide d’une absence. Elle est une mère improbable vers laquelle s’avance l’amour ancien. Elle porte le nom des furies dostoïevskiennes : Nastassia.
Hunter a un père qui fait retour. Un homme au bord des routes, muet et obstiné, désincarné, ayant laissé au désert du western ses oripeaux de civilité. Le père de Hunter est le plus beau chasseur qui soit : sans arme ni conquête, une faute irréductible plantée dans la mémoire.
Cette année-là, un rien de terre (Paris, Texas) fonde le cinéma défaillant, fier, errant, d’après la chute. Et hier comme aujourd’hui, éblouie et lointaine, la voix fragile d’Aurore appelle : « Travis… »
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Bernard Souviraa
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