Le jury présidé par Bong Joon-ho offre un triomphe surprise à une nouvelle réalisatrice française : Audrey Diwan pour “L’Événement”, adapté d’un texte d’Annie Ernaux
Six mois après l’Oscar du meilleur film à Nomadland de Chloé Zhao (également Lion d’or 2020), trois mois après la Palme d’or de Julia Ducournau pour Titane, 2021 vient de confirmer à Venise son statut désormais acté de grande date symbolique pour les réalisatrices de cinéma et leur trop tardive inscription au marbre de l’histoire.
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Tiré d’un récit autobiographique d’Annie Ernaux, L’Événement décroche un Lion d’or que peu avaient vraiment vu venir, après avoir déjà fait figure de surprise au moment de sa sélection. Sa réalisatrice Audrey Diwan, passée par le journalisme et l’écriture de scénario avant de signer un premier film relativement discret en 2019 (Mais vous êtes fous), puis ce second deux ans plus tard, se retrouve de fait dans le premier cercle des autrices françaises.
Une dimension symbolique
La presse internationale avait tout de même bien accueilli ce film, célébrant son rapport à la fois tendu (Diwan distille volontiers une angoisse de thriller) et épuré (peu de personnages secondaires, de détours, d’ornements dramaturgiques superflus) à un sujet qui vient par ailleurs rencontrer une actualité brûlante aux États-Unis (l’interdiction d’avorter au Texas au-delà de six semaines de grossesse). Des atouts qu’on lui reconnaîtra certes – avec quelques nuances et réserves – mais qu’on n’imaginait cependant pas suffisants pour doubler les, également très bien reçus, Campion ou Almodóvar, par exemple.
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Le reste du palmarès est à l’avenant en matière de valeur symbolique, le festival récompensant deux autres des cinq réalisatrices présentes en compétition : Jane Campion avec un Lion d’argent de la meilleure réalisation pour Le Pouvoir du chien, Maggie Gyllenhaal avec un prix du meilleur scénario pour The Lost Daughter. Trois œuvres adaptées (dont deux d’écrivaines : Annie Ernaux et Elena Ferrante) formant un palmarès d’un tel zèle dans la contre-attaque anti-patriarcale (par ses autrices et surtout ses sujets : avortement, rejet de maternité, masculinité toxique…) qu’on s’étonne d’y voir également figurer en très bonne place La Main de Dieu (Lion d’argent et prix du meilleur espoir pour Filippo Scotti), autobiopic d’un Paolo Sorrentino toujours aussi vulgaire et dégradant à l’endroit de ses personnages féminins.
Si ce palmarès est évidemment une bonne nouvelle pour l’équité et que ses conséquences sur les vocations à naître de réalisatrices ne peuvent être que favorables, il est tout de même regrettable de déjà constater qu’on n’en retiendra peut-être pas grand chose d’autre, et que la dimension symbolique éclipse les autres – éclipsant par exemple le pourtant très beau Il Buco de Michelangelo Frammartino récompensé d’un prix spécial du jury.
Netflix en bonne place
L’effet de groupe retire aux films une part de leur spécificité, amène à s’interroger sur la part exacte de la politique et de l’esthétique dans les motivations du jury de Bong Joon-ho, et déclenche immanquablement sur les réseaux sociaux des réactions dont on pourrait se passer.
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À noter, enfin, un second triomphe : celui de Netflix, qui après avoir fait main basse sur les palmarès des cérémonies américaines, domine pour la première fois celui d’un grand festival européen.
Campion, Sorrentino et Gyllenhaal y sortiront leurs films respectivement le 1er, le 15 et le 31 décembre, ce qui ne manquera pas de faire hurler les nombreux défenseurs de la place de moins en moins sacrée du cinéma d’auteur en salles. Un basculement d’un autre type, mais qui aura décidément fait de Venise le théâtre d’une accélération soudaine des grands processus évolutifs déjà à l’œuvre dans le paysage.
Le palmarès complet
Compétition officielle :
Lion d’or : L’Evènement d’Audrey Diwan
Lion d’argent – Grand prix du jury : The Hand of God de Paolo Sorrentino
Lion d’argent – Meilleure réalisation : Jane Campion pour Le Pouvoir du chien
Coupe Volpi – Meilleure actrice : Penelope Cruz pour Madres Paralelas de Pedro Almodóvar
Coupe Volpi – Meilleur acteur : John Arcilla pour On the Job : Missing 8 d’Erik Matti
Prix du meilleur scénario : Maggie Gyllenhaal pour The Lost Daughter
Prix Marcello Mastroianni du meilleur espoir : Filippo Scotti pour The Hand of God de Paolo Sorrentino
Prix spécial du jury : Il Buco de Michelangelo Frammartino
Sélection Orizzonti :
Prix du meilleur film : Pilgrims (Piligrimai) de Laurynas Bareisa
Prix du meilleur réalisateur : Éric Gravel pour À plein temps
Prix spécial du jury : El Gran movimiento de Kiro Russo
Prix de la meilleure actrice : Laure Calamy pour son rôle dans À plein temps
Prix du meilleur acteur : Piseth Chhun pour son rôle dans White Building (Bodeng Sar)
Prix du meilleur scénario : Peter Kerekes et Ivan Ostrochovský pour 107 Mothers (Cenzorka)
Prix du meilleur court-métrage : Los huesos de Cristóbal León et Joaquín Cociña
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