Le projet de loi Loppsi 2 a été adopté hier par l’Assemblée nationale en seconde lecture, à 305 voix contre 187 et 8 abstentions. Avant sa validation par le Sénat, plusieurs mesures suscitent la polémique. Revue de détails.
« Un bric-à-brac sans vision ni moyens »: le jugement du PS concernant le projet de loi Loppsi 2 (Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure) est sans appel. Le texte a pourtant été adopté hier en deuxième lecture par l’Assemblée Nationale. Il sera examiné en janvier 2011 au Sénat où il pourra de nouveau être modifié. La Loppsi 2 fixe les orientations des forces de l’ordre pour cinq ans. Beaucoup de ses mesures sont directement inspirées du très controversé discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy, le 30 juillet.
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Peines planchers et période de sûreté
Les peines minimales pour des violences aggravées seront désormais comprises entre 6 mois et 2 ans -même en l’absence de récidive- pour des infractions passibles de 3 à 10 ans d’emprisonnement. En cas de meurtre de membre des forces de l’ordre, la période de sûreté (pendant laquelle le condamné ne peut bénéficier d’aucun aménagement de peine) passe de 22 à 30 ans.
La seconde disposition laisse l’opposition plutôt sceptique: « J’ai demandé combien de personnes seraient concernées, je n’ai pas eu de réponse« , a ironisé Jean-Jacques Urvoas, secrétaire nationale du PS chargé de la sécurité.
Dominique Raimbourg (PS) dénonce lui « un dispositif tellement large qu’il ramène dans ses filets des gens qui n’ont rien à voir avec les gens que vous voulez sanctionner: ceux qui s’en prennent aux forces de police. »
Le maire de Sarcelles, François Pupponi (PS), a de son côté regretté « une surenchère » qui « n’empêchera pas que de nouveaux drames arrivent. »
La restauration de la « double peine »
En cour d’assises, les jurés pourront prononcer une interdiction du territoire pour un accusé de nationalité étrangère, au titre de peine complémentaire.
Si le terme de « double peine » est catégoriquement réfuté par les députés membres du collectif de la droite populaire (les « durs » de l’UMP) à l’origine de cet amendement, il s’agit d’un vrai retour en arrière puisque la double peine a été fortement limitée et encadrée par une loi du 26 novembre 2003, voulue par Nicolas Sarkozy alors ministre de l’Intérieur.
Cette mesure est fortement critiquée par l’opposition qui dénonce « un clin d’œil au Front National. » Patrick Braouzec, député PCF, reproche à la majorité de « désigner l’étranger comme suspect et criminel a priori. Si l’on est criminel et qu’en plus on est étranger. »
La « comparution immédiate » des mineurs
Un jeune récidiviste placé en garde à vue pourra désormais être envoyé devant le tribunal des enfants par un officier de police judiciaire sans passer par le juge.
Des professionnels du droit dénoncent une procédure semblable à la comparution immédiate, qui ne permettra pas aux mineurs de préparer leur défense ou d’être assistés efficacement par un avocat.
« C’est une négation de la priorité éducative », s’est alarmée Catherine Sultan, présidente de l’association des juges des enfants dans Libération.
Des craintes partagées par le syndicat national des personnels de l’éducation et du social, protection judicaire de la jeunesse (SNPES-PJJ). « La spécialisation de la justice des mineurs est une nouvelle fois attaquée pour ressembler toujours plus à celle des majeurs. C’est l’automaticité des décisions judiciaires qui tend à s’imposer chaque jour davantage et qui n’est en aucun cas adaptée à des adolescents en construction », note l’organisation dans un communiqué.
L’extension de la vidéosurveillance
Les préfets pourront désormais imposer aux maires l’installation d’un système de vidéosurveillance en cas de « nécessité impérieuse de sécurité publique« . Les motifs justifiant l’utilisation de la vidéosurveillance seront élargis notamment aux lieux touchés par le trafic de stupéfiants ou les parcs d’attraction.
L’élargissement du dispositif de vidéosurveillance- appelé « vidéoprotection » par le projet de loi Lopsi 2- est vivement soutenue par Brice Hortefeux. Face aux critiques de l’opposition, le ministre de l’Intérieur a souligné l’utilité de ce dispositif dans les enquêtes de police.
Une « Commission nationale de la vidéoprotection » sera chargée d’une mission générale de contrôle et placée auprès du ministre de l’intérieur. La Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) -pourtant autorité indépendante- aura un simple « rôle des commissions de la vidéoprotection », malgré les critiques des députés de l’opposition et de certains parlementaires issus de la majorité.
Pendant les débats, le député du Nord Jean-Pierre Decool , affilié UMP, avait démontré que la Cnil était normalement l’institution compétente. Il était rejoint pas le PS mais aussi par le président de l’institution, Alex Türk.
« Il faut une garantie pour le citoyen, et cette garantie passe par le contrôle et l’écriture d’une charte », avait-il déclaré l’année dernière après l’annonce par le gouvernement du triplement de ces installations.
Création du délit d’usurpation d’identité sur internet
Cet article punit l’usage de l’identité d’un tiers, ou « de données de toute nature permettant de l’identifier« , lorsqu’il « trouble l’identité » ou « porte atteinte à l’honneur ou la considération ». Cette infraction sera punie de deux ans de prison et de 20 000 euros d’amende.
Reste une difficulté majeure: la rédaction de l’article, particulièrement vague, « peut viser aussi bien l’usage du nom, du pseudo, de photos, de vidéos ou même de l’adresse IP d’un tiers », note le site spécialisé en actualités numériques, Numérama.
Une prochaine censure du Conseil constitutionnel, n’est d’ailleurs pas exclue. Martine Billard, députée du Parti de Gauche, a mis en garde contre les dérives possibles : « Nous sommes en train d’introduire un délit de nature politique. On pourra poursuivre n’importe quel humoriste, n’importe quel militant politique qui s’attaquera à des propos tenus par un personnage politique en utilisant la photo ou la vidéo de ce personnage en situation. »
Le délit d’usurpation d’identité a été étendu à l' »hameçonnage » (également appelé «phising») qui consiste à se faire passer pour un tiers, une banque ou une entreprise par exemple, pour récupérer des données (mot de passe, coordonnées bancaires,…) dans un but crapuleux.
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