Attendue depuis 2015, la suite du jeu de plateforme culte du légendaire Tim Schafer tient toutes ses promesses.
Le jeu vidéo, c’est dans la tête. C’est là qu’un assemblage de décors en trompe-l’œil devient un univers à part entière, qu’une bande de pantins numériques aux répliques pré-écrites se transforme en une population passionnante à côtoyer, et plus si affinités. C’est dans la tête, aussi, que quelques pressions sur les boutons d’une manette acquièrent une signification profonde, car il ne s’agit évidemment jamais seulement de réussir ou d’échouer.
Ça tombe bien : c’est justement dans la tête que se déroule pour l’essentiel la folle épopée de Psychonauts 2, suite tardive et longuement attendue (son annonce officielle remonte à 2015) du titre avec lequel Tim Schafer, légende du jeu d’aventure des années 1990 (Day of the Tentacle, Full Throttle, Grim Fandango), avait lancé son studio Double Fine (racheté depuis par Microsoft). Dans notre tête, bien sûr, mais aussi dans celles de ses personnages.
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Bagages émotionnels
La spécificité de Psychonauts 2, qui marie les mécaniques du jeu de plateforme à une écriture et un sens du récit hérités du genre par lequel Schafer s’est fait connaître, est là : désormais psychonaute stagiaire, son jeune héros Raz a le pouvoir de pénétrer dans l’esprit de celles et ceux qui l’entourent. Ce qu’il y découvre n’est pas toujours bien joli. Il y a des angoisses et des phobies, beaucoup de désordre et de bizarreries, des choses à retrouver (comme les étiquettes des “bagages émotionnels”) ou à ranger, sans parler de certaines associations d’idées que Raz corrige en revoyant la manière dont ces dernières (le stress, le risque, l’argent, le plaisir, la coriandre…) sont connectées. Nous voilà alors projeté·es dans un hôpital-casino ou lâché·es sur un chemin plein de morceaux de gencive et de dents dont l’architecture défie l’entendement. Des “censeurs” de pensées parasites se précipitent sur nous. Une baleine apparaît soudain au milieu de la piste verglacée que l’on dévale sur notre boule de “lévitation”. Le résultat est monstrueux, pétillant, un peu effrayant. Et souvent hilarant.
Freak show
Sous ses allures de freak show débridé et sur fond de lutte apparente pour retrouver une forme à peu près apaisée de rationalité – on n’a surtout pas dit de normalité –, Psychonauts 2 se révèle, sur les troubles mentaux, un jeu plus fin et profond qu’on ne pourrait le croire. Une farce délicate, en somme, qui s’aventure dans le brouillard ou la mélasse et ne prend pas les défaillances de ses héros et héroïnes de haut, qui ne les juge pas et ne rit jamais à leurs dépens, l’une des raisons mêmes qui en font la comédie vidéoludique du moment (pour ne pas dire de l’année).
Plus riche et abouti – en particulier techniquement, mais aussi dans la mise en place et l’utilisation des capacités évolutives allouées à notre alter ego (télékinésie, pyrokinésie…) – que le premier épisode auquel on conserve néanmoins une affection toute particulière, ce deuxième volet tient toutes ses promesses, les petites comme les grandes et même d’autres qu’il ne nous avait pas faites. Ses fulgurances sont déjà en rotation lourde dans notre tête.
Psychonauts 2 (Double Fine / Xbox Game Studios) sur Xbox One, Xbox Series X/S, PS4, PS5 et Windows, environ 60 €. À paraître sur Mac et Linux.