Jacques Braunstein évoque cinquante ans de pulsations nocturnes parisiennes. Une histoire riche en images du nightclubbing.
La nuit meurt-elle en silence à Paris, comme le prétendent quelques « nightclubbeurs » frustrés par l’atonie de la capitale ? En dépit du Baron ou du Social Club, on s’endormirait tôt aujourd’hui à Paris, quand on s’y égarait tard hier. La nuit engendre systématiquement cette nostalgie aigrie auprès de ses adeptes vieillissants parce qu’elle touche à leur propre jeunesse envolée.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
C’est plutôt l’idée d’un éternel recommencement, simplement reconfiguré qui se dégage du documentaire de Jacques Braunstein, Night Clubbing sur cinquante ans de « club culture » à Paris. Chaque acteur d’un moment particulier de la nuit parisienne le perçoit comme un âge d’or après lequel ne peut surgir que la décadence. Or, comme le remarque Frédéric Taddeï, nightclubbeur devant l’éternel, le refrain du « c’était mieux avant » résiste mal au principe de réalité de la fatigue des corps :
« Les boîtes de nuit n’excitent vraiment que les jeunes de 20 à 30 ans », reconnaît-il.
Ceux qui ont atteint l’âge mûr déplorent plus leur propre usure que l’énergie de la ville qui se perpétue sans eux.
De l’époque de Castel, au début des années 60, à celle de l’Elysée Matignon, au début des années 70, peuplé par les plus grands « sorteurs » (Gainsbourg en tête), du Bus Palladium au Gibus, du Rose Bonbon à la Main Bleue, du Palace aux Bains, du Club 7 au Balajo, du Royal Lieu au Montana, du Queen au Pulp, des raves de Pat Cash aux fêtes bling-bling du VIP Room…, Braunstein retrace autant l’histoire que la géographie de la nuit parisienne, souvent concentrée entre Saint-Germain-des-Prés, les Champs, les grands boulevards et Pigalle.
Racontée par quelques témoins privilégiés de ces nuits déchaînées – Frédéric Beigbeder, Eric Dahan, Philippe Manoeuvre, Patrick Eudeline, Jenny Bel Air, Philippe Starck… -, cette épopée s’incarne à l’écran à travers une iconographie splendide. Si les images en mouvement de ces nuits restent assez rares, les photos multiples livrent une évocation précise de leur agitation et de leur pulsation.
Des bourgeois chic de Castel aux bad boys du Bus, des dandys excentriques du Palace aux filles affriolantes des Bains, des punks du Gibus aux filles électriques du Pulp, les tribus successives ont toujours réinventé des « manières de sortir » comme autant de manières de réinventer « la marge ».
Les premières années du Palace et ses icônes (Alain Pacadis, Fabrice Emaer) se distinguent toujours comme la parenthèse absolue et enchantée de cette épopée des nuits fauves.
Romanesque, mythifié parfois comme le suggèrent les témoins en transe du Palace originel ou des Bains de Claude Challe, le « nightclubbing », suggère Braunstein, raconte toujours quelque chose de l’époque, fût-ce de manière marginale. Dans les rayons des dance-floors et les regards hébétés des danseurs invétérés, les temps se reflètent, de leurs plus tristes éclats à leurs joyeux fracas.
Jean-Marie Durand
Night Clubbing 50 ans de nuits parisiennes, documentaire de Jacques Braunstein, mardi 14 décembre à 22h05, Paris Première
{"type":"Banniere-Basse"}