Olivier Py ouvre avec maestria la saison de l’Opéra de Paris en mettant scène « Alceste », une tragédie lyrique de Gluck au Palais Garnier.
Une splendide œuvre au noir où l’amour et la mort se livrent un combat d’où la vie sort vainqueur. Pour sauver son époux Admète, Alceste consent à mourir à sa place mais sera sauvée par Hercule. Les dieux immortels ont beau être cruels et marchander l’existence des humains – Admète peut échapper à la mort si quelqu’un consent à mourir à sa place –, l’amour, infini, est plus fort que la mort.
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Décor à la craie
Comme le remarque Jean-Jacques Rousseau, dans cette tragédie, « tout y roule presque sur deux seuls sentiments, l’affliction et l’effroi. » Une unité de ton magistralement rendue par les costumes et le décor, en noir et blanc, surgissant comme un songe avant de s’effacer. Un minimalisme favorisant l’écoute du chant et de l’orchestre des Musiciens du Louvre Grenoble dirigé par Marc Minkowski qui prendra place, au dernier acte, sur le plateau, aux côtés des chanteurs.
Très présent sur les scènes d’opéra cet automne puisqu’il prépare la mise en scène d’Aïda de Verdi à l’Opéra-Bastille en octobre et celle du Dialogue des carmélites de Poulenc au Théâtre des Champs-Elysées en décembre, Olivier Py, à l’agenda blindé mais disponible, nous donne rendez-vous au Train Bleu de la Gare de Lyon avant de partir pour Avignon où il vit désormais, pour nous parler d’opéra et de l’édition 2014 du Festival d’Avignon qu’il prépare en tant que nouveau directeur depuis quelques mois.
Bien qu’il signe des mises en scène à l’opéra depuis quinze ans, Alceste réunit naturellement les deux passions d’Olivier Py, le théâtre et le chant :
« Gluck voulait quelque chose de dépouillé, de presque austère, de simple et ça convenait à l’œuvre qui est presque une tragédie classique chantée. »
Une volonté de réformer l’opéra que le compositeur inscrit sur la partition d’Alceste en 1769 : « Il n’y a aucune règle que je n’aie cru devoir sacrifier de bonne grâce en faveur de l’effet. » Pour soutenir le dépouillement et l’intensité de cette méditation sur la mort interprétée avec une belle élégance par Sophie Koch (Alceste) et Yann Beuron (Admète), Olivier Py a imaginé un décor en phase avec le thème de cette tragédie : à l’image de la vie qui passe et s’efface, surgit et disparaît, cinq dessinateurs sont présents sur le plateau et esquissent à la craie une succession de décors (la façade du Palais Garnier, un paysage maritime, un rideau de scène) ou d’éléments du drame (un électroencéphalogramme, un cœur, une tête de mort) qu’ils effacent à mesure pour en esquisser d’autres. Une chorégraphie du geste qui s’accorde à merveille aux lamentations d’Alceste : « Oh ! Que le songe de la vie avec rapidité s’enfuit… »
Memento mori
Pour Olivier Py, amateur de paradoxes, « c’est spectaculaire en un sens, mais en réalité, ça a été fait avec presque rien et ça me plaisait beaucoup de faire de l’opéra avec les moyens du théâtre. De créer avec l’énergie humaine et de bons chanteurs. J’avais un souvenir merveilleux de Pierre-André Weitz (son scénographe depuis des années – ndlr) jouant le Japonais et dessinant dans Le Soulier de Satin. Je lui ai demandé s’il pensait pouvoir dessiner à la craie, parce que je voulais qu’on obtienne un memento mori par effacements successifs. Comme, à l’opéra, les créations se font en un mois, dont seulement trois semaines pour le metteur en scène, puisque la dernière semaine est entièrement consacrée à l’arrivée et la mise en place de l’orchestre, Pierre-André a travaillé en amont une dizaine de jours fin juin avec les quatre dessinateurs qui l’accompagnent sur le plateau. »
Memento mori, peut-être, mais où la vie triomphe et c’est au personnage d’Hercule, transformé en prestidigitateur qu’Olivier Py confie le soin, non seulement de vaincre la tyrannie des dieux et de rendre à Alceste la vie et son époux, mais aussi de donner à la colombe qu’il sort de son haut-de-forme son chant à écouter. Immobile sur sa main, tête inclinée, l’oiseau est comme nous, hypnotisé par les accords secrets qui guident l’amitié et enchantent l’amour. Beau travail, Hercule !
Fabienne Arvers
Alceste, musique de Christoph Willibald Gluck, direction musicale Marc Minkowski, mise en scène Olivier Py. Au Palais Garnier, jusqu’au 7 octobre. tél. 08 92 89 90 90. www.operadeparis.fr
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