Il est important de revoir aujourd’hui Bienvenue Mister Chance pour reconsidérer “l’originalité” de Forrest Gump et en mesurer tout le vide substantiel. A l’inverse de Zemeckis, qui adopte le regard moralisateur d’un crétin pour revisiter au bulldozer quarante ans d’Histoire américaine, Hal Ashby et son scénariste Jerzy Kosinski utilisent sans démagogie aucune leur demeuré pour […]
Il est important de revoir aujourd’hui Bienvenue Mister Chance pour reconsidérer « l’originalité » de Forrest Gump et en mesurer tout le vide substantiel. A l’inverse de Zemeckis, qui adopte le regard moralisateur d’un crétin pour revisiter au bulldozer quarante ans d’Histoire américaine, Hal Ashby et son scénariste Jerzy Kosinski utilisent sans démagogie aucune leur demeuré pour livrer une fable subtile sur la relativité de tout langage. A travers l’irrésistible ascension politique de Chance (Peter Sellers, admirable), jardinier innocent dont les lapalissades sont perçues comme autant de métaphores prophétiques par les technocrates de Washington, les auteurs du film démontrent en effet comment le moindre propos fût-il le plus idiot peut se transformer en parole politique à partir du moment où il est détourné de son sens originel par les délires de l’interprétation d’autrui.
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On trouvait aussi cette idée à la fin de Forrest Gump, quand le personnage joué par Tom Hanks était suivi à travers les Etats-Unis par une bande d’admirateurs prêts à graver dans le marbre la plus sotte de ses déclarations. C’était l’une des séquences les plus drôles du film, mais aussi l’une des plus gratuites, le propos de Forrest Gump n’étant pas de raconter comment un imbécile devient le gourou de tout un peuple. C’est par contre tout à fait celui de Bienvenue Mister Chance, dont la supériorité tient en premier lieu à la rigueur d’un scénario qui se refuse à courir plusieurs lièvres à la fois. Alors qu’il ne se dégageait de Forrest Gump qu’une morale édifiante et finalement assez discutable (pour traverser la vie sans problèmes, mieux vaut être crétin), Chance est empreint d’une cruelle ironie. Lorsqu’à la fin du film, le jardinier idiot se voit pressenti pour être le prochain candidat à la présidence des Etats-Unis, le propos d’Ashby et de Kosinski se fait même assez pessimiste : dans un monde où le premier degré n’existe plus et où tout peut être réinterprété, le candidat idéal ne peut plus être qu’un innocent à l’état pur.
Meilleur film de l’inégal Hal Ashby, Bienvenue Mister Chance est plus que jamais d’actualité. Les déclarations récentes de Jacques « Mangez des pommes ! » (Chirac) ou d’Eric « Les mouettes et les sardines » (Cantona) prouvent en effet que la relève du jardinier est assurée.
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