Un patron en prison, des financements suspendus, un fournisseur d’accès qui se fait la malle… Rien ne va plus pour WikiLeaks.
Depuis le « Cablegate » (mise en ligne de 25 000 câbles diplomatiques depuis le 28 novembre), WikiLeaks est attaqué de toutes parts. Retour sur les embûches rencontrés par le site activiste.
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• Le fondateur derrière les barreaux
Julian Assange vient de passer sa première nuit en prison. Le créateur de WikiLeaks est inculpé en Suède pour agressions sexuelles, dont un viol, perpétrées sur deux Suédoises en août dernier. Pourtant, son avocat, Mark Stephens, s’oppose farouchement à cette qualification. « A l’heure où je vous parle, nous sommes dans la position assez rocambolesque de n’avoir observé aucune preuve », déclarait-il hier.
D’après lui, son client ne pourrait être inculpé que de « sexe par surprise » dans les deux affaires, c’est-à-dire d’avoir eu des relations sans préservatif à l’insu ou contre le gré de ses partenaires.
Julian Assange a été arrêté hier à Londres, après s’être rendu à la police britannique. Un mandat d’arrêt international avait été lancé par Interpol le 29 novembre. La Cour de Justice de Westminster a refusé de lui accorder la liberté conditionnelle, craignant sa fuite. Il restera en détention jusqu’au 14 décembre, date à laquelle il pourrait être transféré en Suède. La procureur suédoise a toutefois précisé qu’elle n’avait pas « l’intention d’extrader Julian Assange vers les États-Unis », rapporte Libération dans son édition d’aujourd’hui.
• Les États-Unis en croisade contre le site
Pour l’instant, aucune demande officielle d’extradition à l’encontre de Julian Assange n’a été formulée, mais de nombreux élus américains réclament un procès. Une véritable traque s’organise outre-Atlantique. Washington menace, mais pour l’instant aucun chef d’inculpation recevable n’a été trouvé. Le patron du site Web pourrait être poursuivi selon l’Espionage Act, une loi de 1917. Interrogé par Libération, Floyd Abrams, avocat du New York Times, précise que deux conditions doivent être réunies pour que ce texte s’applique :
« Il faut prouver que l’accusé a agi de mauvaise foi, et qu’il a voulu porter atteinte à la sécurité nationale des États-Unis. »
Paul Moreira, auteur d’un reportage sur WikiLeaks, rapporte qu’une cellule de 120 personnes a été créée spécialement pour enquêter sur la plate-forme, au sein du Département d’État.
« Il y a quand même des déclarations très claires de certains politiques américains ou de représentants républicains qui disent qu’il faut l’exécuter, qu’il faut le considérer comme un combattant ennemi, qu’il faut envoyer les forces spéciales. (…) Ca a été dit à la télévision aux États-Unis », raconte le journaliste.
• Lâché par son hébergeur
Le 1er décembre, Amazon a mis un terme à l’hébergement de WikiLeaks, après quatre ans de collaboration. Dans un premier temps, le groupe Internet n’a pas expliqué sa décision, précisant simplement qu’il n’avait fait l’objet d’aucune pression. Il a publié un communiqué quelques jours plus tard, pour justifier la sanction :
« Notre règlement stipule que [la société utilisatrice] garantit qu’elle possède ou a le contrôle de tous les droits sur les contenus publiés et que l’utilisation des contenus fournis ne viole pas ce règlement et ne causera pas de dommage à des personnes ni des entités. »
Or, d’après Amazon, le site ne serait pas propriétaire des documents mis en ligne.
• Une attaque du gouvernement français
WikiLeaks a finalement trouvé refuge chez un serveur français basé à Roubaix, OVH, pour une partie de ses contenus. Un accueil qui a provoqué la colère du ministre de l’Industrie en charge des nouvelles technologies, Eric Besson. Il a demandé au Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGIET) de lui préciser quelles actions pouvaient être menées pour pour interdire l’hébergement du site en France. « On ne peut pas héberger des sites Internet qualifiés de criminels et rejetés par d’autres Etats en raison d’atteintes qu’ils portent à leurs droits fondamentaux », précisait la lettre du ministre adressée au vice-président de l’organisme.
Finalement, OVH a lui-même saisi la justice en référé -procédure d’urgence- vendredi dernier. Réponse du tribunal de Lille : l’interdiction ne peut pas être prise en référé car un débat sur le fond est nécessaire. WikiLeaks est donc toujours hébergé par le serveur français, pour l’instant.
• Des fonds coupés
Postfinance, filiale bancaire de la Poste suisse, a fermé le compte de Julian Assange. Motif invoqué ? « Fausses indications sur son lieu de domicile. » Ce compte servait aux dons et figurait sur le site.
Depuis hier, Paypal, Visa Europe et Mastercard International ont également suspendu les paiements destinés à la plate-forme. La décision de Visa Europe pourrait être temporaire. L’entreprise précise que cette disposition intervient « dans l’attente d’éléments supplémentaires sur la nature » des activités de WikiLeaks, « et en attendant de savoir si elles contreviennent aux règles de fonctionnement de Visa ». MasterCard International est plus catégorique et précise : « Le règlement interdit aux clients de s’engager ou de faciliter, directement ou indirectement, toute action illégale. »
Paypal, site de paiement en ligne, a aussi mis un terme aux virements destinés à WikiLeaks. Le quotidien britannique The Guardian a rapporté aujourd’hui qu’il avait été influencé par le gouvernement américain. Interrogé à propos de cette suspension, le vice-président du groupe, Osama Bedier, répond :
« Le Département d’État nous a dit que ces activités étaient illégales. C’était direct. »
En guise de représailles, les sites ce ces différents organismes bancaires sont attaqués depuis plusieurs jours.
• La cible des pirates
Depuis la mise en ligne des documents diplomatiques, WikiLeaks a été la cible de plusieurs attaques informatiques. Le 30 novembre, il avait même été indisponible pendant plusieurs heures, malgré son système de protection particulièrement performant. Suite à ces offensives répétées, le site a été abandonnée par son fournisseur de nom d’accès, EveryDNS. « Les attaques ont et vont menacer la stabilité de l’infrastructure », s’est contentée d’indiquer l’entreprise EveryDNS sur sa page d’accueil.
• Le lancement prochain d’un concurrent
D’anciens collaborateurs de Julian Assange -dont Daniel Domscheit-Berg, ancien porte-parole de WikiLeaks sous le nom de Daniel Schmitt- vont bientôt lancer leur propre site. Le projet devrait être présenté mi-décembre à Berlin et réunira une dizaine de personnes. Ils affirment vouloir « renforcer l’information dans la démocratie ».
Emilie Guédé
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