Le week-end dernier, à Villemur-sur-Tarn (Midi-Pyrénées), le réalisateur José Alcala présentait aux salariés de Molex le documentaire retraçant la lutte qu’ils ont menée suite à l’annonce de la fermeture de leur usine par l’équipementier américain.
Entre deux fictions (le très beau Alex en 2005 et un film avec Catherine Frot qui devrait sortir en avril 2011), José Alcala a passé un an avec les salariés de Molex pour filmer leur lutte contre la fermeture du site de Villemur, entre décembre 2008 et novembre 2009. Le réalisateur présentait Les Molex, des gens debout ce week-end aux anciens ouvriers de l’usine, à quelques centaines de mètres du lieu où ils venaient travailler il y a encore deux ans.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
« C’est poignant de revenir sur des choses dont on ne se rappelle même plus, c’est assez représentatif de ce qu’on a vécu », a déclaré à l’AFP Eric Pregno, un ancien ouvrier.
Le film suit, caméra au poing, les espoirs et les désillusions des salariés de l’équipementier automobile, de l’annonce de la fermeture de l’usine par le groupe américain au départ des outils de travail.
La lutte, entre séquestration et attaque en justice
A 20 minutes, le réalisateur explique les raisons du choix de son sujet :
« Je voulais tourner un sujet sur la crise et j’ai été saisi par la détermination de ces hommes à sauver leur entreprise et par leur exemplarité dans leur combat. »
Si le film débute au réveillon de la fin d’année 2008, le combat des salariés s’était engagé quelques mois plus tôt, dès l’annonce de la fermeture du site, le 23 octobre 2008. Au nom de la compétitivité, le groupe annonce qu’il prévoit de délocaliser la production en Europe de l’Est, alors qu’il fait un bénéfice net de 1,2 millions d’euros pour 40 millions de chiffre d’affaires.
Les onze mois de lutte des 288 salariés licenciés sont traversés par de nombreuses assemblées générales et quelques opérations de communication auprès des médias. En plus des manifestations de soutien des habitants de Villemur-sur-Tarn, les ouvriers décident de séquestrer le temps d’une nuit le cogérant du site et la directrice des ressources humaines.
La projection du film, un an après la fermeture définitive du site, a renforcé l’amertume des ouvriers, comme l’exprime Jacques, un ancien salarié qui avait travaillé 32 ans pour Molex, à Emmanuel Haillot, journaliste à La Dépêche :
« On nous a tués et on n’a rien pu faire. C’est épouvantable de voir sur ces images comment on s’est fait avoir… »
La fiction pour mieux accepter la réalité
Dans les années 2000, de nombreux documentaires ont été réalisés dans le cadre de fermetures d’entreprises. Le film de Luc Decaster, Rêve d’usine, sorti en 2003, suivait les dernières semaines de travail des salariés au sein de l’usine Epéda à Mer (Loir-et-Cher). Le plan de licenciement avait surpris tout le personnel, qui faisait encore des heures supplémentaires les semaines précédant son annonce. Le film s’attachait ainsi à voir les ouvriers accepter peu à peu la réalité.
Le film de Marianna Otero, Entre nos mains, sorti cette année, mettait en avant le besoin de fiction contre la réalité : en suivant les ouvrières d’une usine de lingerie féminine, Starissima, monter leur propre coopérative suite à la faillite de l’entreprise, il s’agissait d’encourager l’imagination et d’y croire jusqu’au bout, coûte que coûte. Le film se terminait d’ailleurs sur une magnifique séquence de comédie musicale interprétée par les ouvrières elles-mêmes.
Dans le cas de Molex, un an après la fermeture du site, les ouvriers, dont 200 sont encore au chômage, n’ont pas dit leur dernier mot : en septembre, ils ont engagé une action devant les prud’hommes pour faire reclasser les licenciements économiques en licenciements abusifs. Dès l’annonce de cette attaque en justice, l’industriel américain, qui annonce un chiffre record de 33% sur le troisième trimestre, a arrêté de financer le plan social de l’usine.
Le documentaire de José Alcala, qui sera diffusé fin janvier sur Arte, ne dévoilera donc pas le fin mot de l’histoire : au-delà du cinéma, le combat continue.
Benoît Rivière
{"type":"Banniere-Basse"}